Bénin : Critique du Discours Critique de M. Rodriguez

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Quand on entend parler ces jours-ci Martin Rodriguez l’un des plus vigoureux contempteurs de Patrice Talon, on est tenté d’adhérer à son discours critique. Le ton, la clarté et les précisions qu’il apporte dans ses explications, sous réserve du droit de réponse de son adversaire, ne semblent pas relever entièrement d’une décharge d’animosité délirante de la part d’un concurrent aigri.
Précisons que ce qui rend Martin Rodriguez redoutable par-dessus tout dans sa critique de Talon — par opposition à Sébastien Ajavon dont la réaction s’est voulue performative — est qu’il parle là où Ajavon prend position et illustre le mouvement en marchant. MM. Martin Rodriguez et Sébastien Ajavon, par leur réaction, ne sont pas n’importe qui : ils sont des confrères en affaires, des compères milliardaires de Talon. Leur attitude vis-à-vis de l’ambition présidentielle annoncée de Talon est, à ce titre, de portée notoire. Les capacités de ces trois milliardaires en disent long sur la mêlée dans laquelle il s’engagent, aussi déraisonnable soit-elle. Au vu de ce à quoi les élections se résument au Bénin, on comprend que des milliardaires de leur trempe s’invitent dans la joute ; et qu’à l’ambition empiriquement motivée de l’un correspondent les réactions plus ou moins piquées au vif des autres. Que l’un exprime en mots clairs sa critique à l’égard de la méthode d’enrichissement de Talon, ou que l’autre veuille en découdre directement avec lui dans les urnes le cas échéant ; que le discours de l’un force l’adhésion à la limite de l’indignation et que la réaction de l’autre, aussi puérile soit-elle soit compréhensible, on ne peut pas ne pas y voir la main invisible de celui dont Talon est devenu la bête noire politique et existentielle, à savoir, Yayi Boni.
L’éventualité de voir M. Talon lui succéder à la Marina est source de cauchemar pour M Yayi Boni. Pour enrayer le danger, aussitôt qu’il l’a vu poindre, le chef de l’État, comme a son habitude, n’a plus eu toute sa tête à lui. Il s’est lancé à corps perdu dans des actes désespérés ; c’est dans cette frénésie irrépressible qu’il a fait venir M. Lionel Zinsou dans le système, comme Premier Ministre, sans que celui-ci ait jamais fait ses classes politiques dans le pays. Ce faisant, M Yayi espérait que le choc de cette insertion spectaculaire et autoritaire suffirait à faire de l’ombre à Talon, et à occulter ce qui pouvait être interprété comme la victoire de celui-ci dans les élections législatives qui venaient de se conclure. Mais, il s’en fallait de beaucoup, et M. Yayi fut en peine d’en prendre acte. Ne pouvant pas empêcher la candidature de Talon — même si l’affaire de la disparition de la souche de son acte de naissance prouve que des tentatives n’ont pas manqué — Yayi Boni a résolu de la combattre par tous les moyens. Pour cela, il a décidé de noyer le poisson Talon dans la rivière de ses congénères milliardaires. Sans pouvoir dire jusqu’à quel point Yayi Boni a inspiré la candidature de M. Sébastien Ajavon, et celle plus ou moins polémique de M. Martin Rodriguez, il va sans dire que les réactions de ces deux consorts sont pain béni pour lui. La technique du chef de l’État consiste à utiliser un contre-feu pour étouffer le feu Talon. Et c’est à l’aune de cette évidence qu’il faudra évaluer l’adhésion ou l’indignation que suscite le discours critique de M. Martin Rodriguez contre Patrice Talon. Sa prétention à faire la lumière sur l’histoire et la méthode d’enrichissement de Patrice Talon.
A l’évidence, le discours critique de M Martin Rodriguez, non seulement fait l’affaire de M. Yayi, mais il va de soi que le chef de l’État, à défaut d’en être l’organisateur, le prendrait volontiers à son compte. C’est alors qu’apparaît une double faille aussi bien au niveau de M. Martin Rodriguez qui tient le discours comme de celui de M Yayi censé en être sinon l’instigateur à peine caché du moins le bénéficiaire public et politique.
En ce qui concerne M. Martin Rodriguez là où le bât blesse est qu’il apparaît comme un mauvais perdant dans un conflit à la Dallas où seuls les JR l’emportent. Malgré la clarté lumineuse de son discours et le bon côté de la morale où il se situe naturellement, cet homme qui a gravité autour de Kérékou et pris son envol dans l’atmosphère délétère de ce régime corrompu peut-il sérieusement jouer les anges de la vertu offensée ? Comme Talon, n’a-t-il pas aussi son côté nocturne en tant qu’homme d’affaire béninois ? Combien d’homme d’affaires béninois blanchis sous le harnais de Kérékou peuvent mettre la main au feu quant à leur probité et à leur respect absolu du bien public ?
L’autre faille concerne M. Yayi Boni, et elle ne manque pas de taille. Aujourd’hui, à la veille de quitter le pouvoir auquel il accéda en 2006 grâce au soutien financier de M. Talon, M. Yayi Boni découvre enfin les vices de ce dernier, et à défaut d’user de ses concurrents ou confrères en affaires comme appeaux, il remue ciel et terre pour nous faire croire qu’un tel homme ne mérite pas la corde pour le pendre. Pourquoi ? M. Martin Rodriguez a la réponse : parce que Patrice Talon est un pilleur de l’économie nationale, sans pitié pour les pauvres cotonculteurs qu’il a plumés allègrement.

C’est justement la limpidité providentielle de ce discours qui en fait en même temps le point faible. Et l’intelligence commande de le prendre avec des pincettes. Talon n’est certainement pas un ange, mais combien d’anges plane dans le ciel politique béninois  en ce moment crucial où il faut tourner coûte que coûte  la page noire de Yayi ?
Prof Anicet Badou

Talon, le Diable que nous Connaissons

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