Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…
Le Piège
Dans toutes les démocraties du monde, et selon les habitudes établies par la politique de l’action gouvernementale, la notion de remaniement ministériel est une notion stratégique. Le remaniement intervient après une vicissitude (démission, élection, crise de confiance, scandale, changement de cap, etc.) Il est initié par le Chef du gouvernement ou le Président de la
République selon les régimes. Ce qui caractérise surtout le remaniement c’est la rapidité de son intervention pour juguler une dérive, impulser un nouvel élan, donner une direction nouvelle. C’est en cela que la notion prend politiquement toute sa valeur stratégique. Rituellement parlant, le remaniement tient d'un holocauste. Il vise à créer un autre état d’esprit politique loin de celui qui prévalait auparavant et qui a été sanctionné d’une façon ou d’une autre par les échecs ou par des revirements. Il permet au gouvernement de faire peau neuve, et oublier les errements et son état initial. Le remaniement est donc quelque chose qui se manie avec rapidité, comme lorsqu’on immole une victime sacrificielle à des fins propitiatoires ; par rapport aux situations qui en ont déterminé la nécessité, l’option ne doit pas être laissée en rade ; il y a quelque chose d’urgent dans un remaniement ; et qui rappelle un peu le fer du forgeron qu’il faut battre à chaud. Le remaniement est une action stratégique interne et externe d’un gouvernement. Il peut être une action de forme et limitée, cosmétique ou symbolique, dans ce cas il est technique. Mais il peut être une action de fond, qui agit de fond en comble et possède une haute portée politique visant à changer de cap, d’image et de contexte politique. En tout état de cause, le remaniement se consomme à chaud. Sur le théâtre de la politique il à fonction de deus ex machina. Des contextes historiques variés en font une arme d’utilisation rapide. Plus vite maniée, plus efficace est l’action du remaniement.
Au Bénin, à la suite des élections municipales qui ont vu la résistance inespérée des partis non gouvernementaux et l’échec relatif des partis au pouvoir, la question du remaniement est entrée dans les esprits. Le remaniement est devenu le thème dominant de l'actualité. Il est manié aussi bien par le pouvoir que par l’opposition, les milieux politiques et les media. Depuis des mois, son éventualité, sa probabilité, son imminence sont agitées par les médias. Mais chaque jour, le remaniement est repoussé aux calendes grecques. Et on y perd son latin. Alors qu’il était censé entrer en résonance vertueuse avec le consensus, le remaniement entre dans un cercle vicieux avec la crise. Sa lenteur phénoménale, la difficulté du gouvernement à le mettre en œuvre, entretient la crise, l’enracine et l’aggrave. Et à son tour l’enracinement de la crise rend incertain le remaniement.
Du coup, le remaniement n’est plus ce qu’il est. A force de traîner en longueur, il perd de sa substance, de sa valeur, de sa magie ; il se remanie lui-même, et tourne à vide. Loin d’être une force d’intervention rapide, une arme à chaud, le remaniement devient un stratagème d’action lente et une arme à froid, c’est-à-dire un piège. Et ce piège dans lequel tout le pays est pris à son corps défendant est le triste reliquat d’un mauvais maniement du remaniement.
Eloi Goutchili.
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