
Les questions sur la révision de la constitution ou les prises de posture en vue des prochaines élections présidentielles soulèvent plus de passion et d’intérêt chez les Béninois que le vote pour avaliser le ravalement du franc cfa en Eco. Cet intérêt se manifeste aussi bien dans la population en général ou parmi ce qu’il est convenu d’appeler les « citoyens » en l’absence de tout autre qualificatif adéquat, que dans le microcosme politique béninois lui-même.
Le vote sur la continuation de l’esclavage monétaire de l’Afrique sous un autre nom et la forme totalitaire qu’est son unanimité sont la preuve que la souveraineté nationale du Bénin est une illusion, un vain mot, un dormitif à haute dose, une menterie nationale et internationale. En effet, la France n’a pas à être partie prenante de la définition de la monnaie des états souverains d’Afrique. Pourquoi cette intrusion maligne ne nous choque pas venant d’un pays comme la France dont nous avons pourtant mille et une raisons historiques et actuelles de nous méfier alors que si c’était la Turquie ou la Chine nous aurions trouvé la chose étrange ?
Une nation d’Afrique noire ne peut pas à la fois avoir sa monnaie parasitée par une nation européenne et dans le même temps clamer sa souveraineté. Cette contradiction saute aux yeux même des oligophrènes. Cette contradiction vaut du reste pour tous les systèmes symboliques dans lesquels nous sommes enfermés, notamment la langue, même dans une mesure différente. Mais, visiblement c’est le cadet des soucis du Béninois. Une chose est que les députés — toutes tendances confondues — votent cette loi à l’unanimité, probablement parce que, selon une habitude naguère dénoncée par Rosine Soglo, ils ont été irrésistiblement « motivés » à cet effet ; une autre chose est que ce scandale qui met à nu l’illusion de la souveraineté nationale ne soulève pas l’indignation de grand monde.
Question : La frénésie d’une élection présidentielle à venir dans deux ans paraît bien plus passionnante. Quelle est la rationalité de privilégier la passion pour l’élection d’un chef ou la révision de la constitution d’un état qui n’est pas souverain au détriment de l’indignation du constat d’absence de souveraineté de cet état ?
Petit conseil : A un moment donné ou à un autre de notre histoire, il va falloir que nous autres Africains nous valorisions la logique et l’intelligence plutôt que les passions et les intérêts à court terme1. Sinon nous ne cesserons jamais d’être des esclaves de ceux qui réfléchissent à notre place et souvent contre nous.
Ahokponù Bolèwa
1Une idée de Béhanzin, confiée à son fils Ouanilo, dans une de ses lettres nombreuses dictées en exil : cf Gbêkon, le Journal du Prince Ouanilo, Blaise Aplogan, édition l’Harmattan, Paris, 2012
