Lettre à Pancrace sur les Raisons de la Servilité de Talon à la France

Depuis Ankara où je me trouve pour des raisons dont je te parlerai off the record, j’ai bien lu ta dernière lettre qui me parle de ta « honte devant la servilité de Talon à l’égard de la France ». Tu me dis «  Bon sang, pourquoi fayote-t-il à ce point ? Pourquoi confond-il ses intérêts personnels avec les intérêts du peuple Béninois ? » Et en bon polyglotte, tu ajoutes en yoruba : « Nkan mìǹ wá ǹbè ni ? » En clair tu demandes s’il y a anguille sous roche, et ce qui se cache derrière tout ça.

Eh bien Mon Cher Pancrace,

Je partage ton affliction et ta consternation devant la servilité de Monsieur Talon. Que ce soit par rapport à son attitude dans la crise Sahélienne et la regrettable crispation des rapports entre le Bénin et le Niger, ou dans ses récentes déclarations pour le moins saugrenues sur la valeur de la mémoire des peuples Noirs face aux enjeux du présent, Talon fait montre d’une servilité effarante vis-à-vis de la France. Cette servilité peut être choquante pour les Africains et les Béninois, mais il faut la replacer dans un contexte général avant d’en analyser l’aspect particulier, qui relève d’un style, celui de Talon. 

  1. La Terreur Coloniale en Afrique Noire

La raison générale de cette servilité est que l’Afrique vit sous la terreur coloniale. Cette terreur traduit le fait que l’Afrique n’a pas cessé d’être sous domination occidentale depuis au moins cinq siècles. Et à y voir de près, cette domination qui semble avoir atteint son apogée dans ce siècle, est allée croissante dans son impériosité depuis ses débuts. Dans le contexte post-guerres mondiales, à la suite de réajustements opérés par les Occidentaux, les États africains sont administrés au plus haut niveau par un personnel africain. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce personnel reçoit mission des Blancs. On ne peut comprendre la logique  de l’idée de l’indépendance des pays africains si on ne comprend pas son origine et sa fonction. L’idée de l’indépendance des colonies est consécutive au choc de la seconde guerre mondiale où les colonisateurs historiques ont été colonisés brièvement par l’Allemagne nazie. Ayant goûté eux-mêmes en quelques années aux souffrances, affronts et avanies qu’ils infligeaient aux peuples non-européens, les Occidentaux ont voulu faire assaut de moralité. Ils ont reconnu le méfait colonial et concédé aux peuples le droit de disposer d’eux-mêmes. Mais, seulement du bout des lèvres car on sait que l’hypocrisie n’étouffe pas les Occidentaux. Comment rester en accord apparent avec la nouvelle morale prônée sans rien perdre des avantages symboliques et matériels du colonialisme ? C’est en réponse à cette question que les Indépendances sont arrivées en Afrique en tant que décret subtil des Occidentaux et non comme le fruit d’un combat de libération, à l’exception notoire de l’Algérie ou du Vietnam. 

Donc l’indépendance, notamment dans les pays francophones d’Afrique noire, suppose deux contraintes. 

La première, c’est que le personnel politique de haut niveau est mis en place et contrôlé par la France ou par les Occidentaux d’une manière générale, soit de façon ouvertement violente, comme au Togo avec Gnassingbé ou en Côte d’Ivoire avec Ouattara, soit de façon implicite et suborneuse comme au Sénégal avec Senghor ou Macky Sall. Macky Sall que la jeunesse du Sénégal, qui s’est sacrifié pour son accession au pouvoir, pensait engagé au service du peuple. Or, quelques années plus tard, c’est ce même Macky Sall qui massacre la jeunesse sénégalaise, persécute ses opposants avec la bénédiction de la France qui ferme les yeux sur ces crimes. 

La deuxième contrainte qui découle de la première c’est que le dirigeant africain est là uniquement pour veiller aux intérêts des Occidentaux, ceux qui l’ont mis au pouvoir. Cela suppose le mépris des intérêts de son peuple laissé-pour-compte ; cela suppose également le fait d’ignorer les nécessités d’ordre structurel et organisationnel de son pays,  et la tendance à faire tout ce qui peut conduire, même involontairement à l’arriération de son peuple.

Tel est le cahier de charge vicieux du président africain et de son gouvernement dans le contexte de ce qu’on appelle « Indépendance » depuis plus d’une soixantaine d’années. En dehors du strict respect de ce cahier de charge, il n’y a point de salut. Par ailleurs, le système constitutionnel privilégie un régime présidentiel fort et centralisé. Et la préférence de la France a toujours été de faire accéder au pouvoir un président ethniquement contrarié, sinon étranger. Cela permet de le tenir plus facilement en laisse, contre la garantie de soutien politique. Ainsi, ce dernier peut favoriser un clan de sa petite ethnie sans léser les intérêts français, alors que s’il était majoritaire, la nécessité de distribution à large échelle n’aurait rien d’avantageux pour la France car elle perdrait de facto son caractère léonin. 

L’Application de ce cahier de charge est adossée à l’emprise de la terreur coloniale. Qu’est-ce que ça veut dire? Eh bien, le dirigeant choisi dans les conditions frauduleuses ou violentes que l’on sait, doit strictement et obligatoirement servir les intérêts des Occidentaux. Toute tentative de s’écarter de cette obligation, toute hésitation est punie de mort politique et ou biologique, et les exemples sont légion, Marien N’gouabii, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Mouammar Kadhafi, Idriss Déby, Sylvanus Olympio etc., pour ne citer que ces cas. Quand on échappe à la mort biologique ou à la guerre civile, on est harcelé judiciairement sur la base d’accusations d’autant plus fantaisistes que les Occidentaux  ne les  brandissent que contre les récalcitrants. À l’inverse, ils ferment les yeux sur les crimes les plus atroces de leurs ludions ; ils réservent la carotte à ceux qui s’acquittent bien de leur mission, ceux qui les servent avec zèle et aveuglement, ceux qui laissent leurs peuples dans l’ombre du mépris, les répriment, les affament, font tout pour hypothéquer leur avenir ; ceux-là ont carte blanche pour la fornication et la corruption. Ils amassent des milliards qu’ils vont stocker dans les banques occidentales, s’achètent châteaux sur châteaux en Occident. Ils s’éternisent ou meurent au pouvoir en violant la constitution. Les exemples des Houphouët Boigny, Eyadema, Paul Biya, ou Bongo sont légendaires. Le plus souvent ils sont remplacés par leurs rejetons. Et si d’aventure, ils daignent quitter le pouvoir après plusieurs mandats, on leur trouve un job sur mesure en remerciement des bons et loyaux services rendus à la France. Yayi Boni hier ou Macky Sall bientôt en sont des cas.

Voilà brièvement esquissé le fonctionnement de la terreur coloniale. Voilà les conditions qui président à la présidence du Président africain depuis ce qu’on appelle « Indépendance » Notoirement, le président francophone, dans la mesure où la France est l’un des pays les plus remontés dans l’impénitence colonialiste en Afrique. Dans ces conditions, que veux-tu que le Président fasse ? Il n’a pas beaucoup de choix : soit il respecte strictement le cahier de charge imposé par l’Occident et sur la base duquel il a été amené au pouvoir, et alors tout baigne pour lui. Il est protégé, il est en paix, il se fait des fortunes. Il écrase son peuple dans l’impunité, se livre à la fornication et à la corruption. Ou bien il hésite, a pitié de son peuple et veut négocier les conditions de son mieux-être ; sans parler même d’une quelconque velléité de résistance, alors mal lui en prend. D’une manière implacable, il est balayé, réduit par la machine répressive et punitive de la terreur coloniale. 

Donc, avant de juger nos dirigeants sous le rapport de la servilité, il faut tenir compte de la terreur coloniale qui pèse sur eux. Et puis il y a la question de la mémoire, et des exemples du passé. Quand tu regardes les héros occidentaux du siècle dernier pour ne se limiter qu’à cette temporalité, tu as des gens comme De Gaulle, Churchill, Adenauer ; et même quand on va un peu vers l’est, on a des gens comme Lénine, Mao, etc. Tous ces héros sont morts de leur propre mort. Ils sont considérés à un moment donné ou à un autre, en dehors de toute polémique, comme ayant contribué à l’avancement de leurs peuples. Alors que, quand tu considères les héros béninois ou africains comme Béhanzin, Bio Guerra, Kaba, etc ou  Samory Touré, Sylvanus Olympio, Patrice Lumumba, Mouammar Kadhafi, ils ont tous été assassinés par les Blancs. Cette mémoire n’est pas de nature à encourager nos dirigeants, elle n’a rien de réjouissant, elle se présente même comme un repoussoir, l’exemple de ce qu’il ne faut pas tenter de faire. Pourquoi aller se faire assassiner alors qu’on peut jouir, se faire une grosse fortune, avoir du pouvoir, au prix de la servilité à l’Occident ?

Et il ne faut pas sous-estimer le fait que l’être au monde de l’Africain baigne dans un éther de manipulation basée sur la violence symbolique de l’Occident  — une violence qui confine au lavage de cerveau et à l’aliénation. 

Mon cher ami, dans l’état actuel des choses, telle est essentiellement la raison générale de la servilité des dirigeants africains. 

2. Cas Particulier de Talon

Une fois  acquis le fait que le président africain, et particulièrement le président africain francophone est assujetti à un devoir de servilité envers l’Occident et en l’occurrence envers la France, essayons d’analyser le cas particulier de Talon, son style et ses raisons.

Le comportement de Talon sous le rapport de la servilité sort de l’ordinaire et trahit un zèle confondant. Mais son attitude a des raisons apparentes et des raisons cachées qui méritent d’être éclairées. La raison apparente est qu’il essaie de mettre en scène et de revendiquer une ascendance française moralement douteuse en même temps qu’il tente d’en dédouaner le côté obscur. En collaborant étroitement avec la France, en estimant que l’esclavage et la colonisation sont des faits dépassés à jeter à la poubelle de l’histoire pour des relations dans lesquelles on « trouve son compte », Talon se place dans une logique de dénégation symbolique visant à booster la bonne conscience occidentale à laquelle il s’associe en un raccourci douteux. Mais ce motif généalogique façon peau-noire-masque blanc n’est qu’une raison lointaine, car les raisons immédiates de ce que tu appelles « l’étalement de la servilité » de Talon sont ailleurs.

Mon Cher Pancrace,
Souviens-toi, quand il y a quelques années, alors qu’il n’était pas encore président, Talon a eu maille à partir avec Yayi Boni, il s’est exilé en France. Et l’accueil de la France l’a mis hors d’atteinte des tentatives de Yayi de l’abattre – tout au moins judiciairement. À l’évidence, la France n’a pas voulu jouer le jeu de Yayi Boni et s’engager dans le harcèlement de cet opposant de taille, non pas tant politique qu’économique. Sans doute que, comme toujours avec les Blancs, les intérêts passent avant l’amitié. À l’époque de François Hollande où la France avait ses quartiers militaires dans le Sahel, le Bénin ne paraissait pas d’une grande utilité stratégique. Pourquoi satisfaire le président Yayi en rendant la vie difficile à un homme d’affaires, qui plus est possède des biens en France ? La France d’alors s’est finalement abritée derrière ses valeurs mythiques des droits de l’homme pour botter en touche contre le harcèlement judiciaire et politique de Patrice Talon. Le caractère artificieux de ce parti-pris humanitaire se mesure par exemple au sort que la même France a fait à un Soro, parce que la demander de harceler ce dernier venait d’un pays – la Côte d’Ivoire – et de son président – Ouattara  – à qui la France ne pouvait refuser ce service. 

Si bien que la France a refusé à Yayi ce qu’elle a accepté à Ouattara. C’est que Yayi Boni, qui avait un certain respect pour le Bénin et les Béninois, — à la différence notable de Talon que ce sentiment ne semble pas étouffer — a beau jouer les larbins de la France, il ne se donnait pas corps et âme, ni avec l’art requis. Yayi Boni savait jusqu’où il ne fallait pas aller trop loin pour préserver l’illusion de dignité de ses concitoyens. Dans sa servilité à la France, il tentait de couper la poire en deux. Il est vrai aussi qu’à son époque le Bénin n’était pas aussi géopolitiquement sexy pour la France qu’il l’est devenu après la déconvenue au Sahel. 

L’autre aspect du problème concerne la mentalité du Béninois, cette frénésie mimétique propre à son âme. Talon s’est exilé par la force des choses en France, ai-je dit. Une fois devenu président en 2016 avec ses ambitions, ses projets, compte tenu de ce qu’il sait de ses compatriotes, de la situation politique et sans doute aussi de son tempérament, il a opté pour une gouvernance autocratique. Toutes les alliances qui le portèrent au pouvoir ont été rompues. C’était peut-être ça la traduction de son idée de rupture. La rupture a pris les allures d’une guerre politique, d’une chasse aux sorcières ponctuée de procès à l’emporte-pièce, de sauve-qui-peut dans les rangs de ses opposants. En l’espace de quelques mois, la quasi-totalité des personnalités politiques susceptibles de lui tenir tête ont soit rejoint ses rangs et lui ont fait allégeance, soit se sont retrouvés en prison ou sont allés en exil. Massivement en exil. Et c’est là où le mimétisme béninois dont j’ai parlé entre en jeu ; en effet, la plupart de ces exilés, à l’instar de Talon en son temps, se sont retrouvés dans la même patrie néocoloniale, la France, redorant par la même occasion et sans états d’âme le manteau mythique de ce grand pays des droits de l’homme. 

Dans ces conditions, faisant des pieds et des mains et la danse du ventre en plus, chacun ne cesse de vouloir être porté aux nues par la France comme le grand opposant démocrate persécuté qui dénonce le dictateur Talon et la corruption de son gouvernement. Voilà à peu près le schéma et le dilemme dans lesquels s’est retrouvé Talon avec une horde d’opposants exilés en France qui piaffent d’impatience d’être régulièrement invités sur les ondes de RFI, France 24 et autres médias français ou européens pour lui faire des misères, dénoncer ses méfaits et appeler à son renversement ; et de l’autre côté, jouer les béni-oui-oui, dans la plus pure tradition françafricaine. Dans ces conditions, que veux-tu qu’il fît ? Entre la posture progressiste d’un ardent défenseur des intérêts de son peuple, ou se vautrer corps et âme dans le larbinisme façon Ouattara ? 

Talon a vu qu’avec Yayi Boni, le larbinisme théâtral et larmoyant façon je suis Charly, n’a pas payé ; il a compris que pour éviter que ses opposants aient de l’audience auprès de la France, il devrait donner dans une servilité engagée. Il devait prendre les devants et montrer son zèle au service de la France. Il devrait faire sentir à la France qu’il est de ceux qui sont au diapason de ses intérêts et de son parti-pris prédateur en Afrique ; il devrait montrer à la France et ses dirigeants qu’il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de cigarette entre sa bienveillance servile et les intérêts de la France. Quand Macron lui demanderait : « Il est quelle heure Patrice Talon ? » Il sait devoir répondre avec stupeur et tremblement : « L’heure qu’il vous plaira, Jupiter !» 

Patrice Talon, contrairement à Yayi Boni, n’est pas un docteur. On le voit dans les arguments qu’il avance pour justifier ses actions, dans ses propos sans nuance ni épaisseur éthique, une contrariété philosophique pour le moins affligeante. Pour autant, s’il n’a pas inventé la poudre, Monsieur Talon est d’une intelligence politique robuste. Il a compris que la meilleure façon de couper l’herbe sous le pied à la horde de ses opposants exilés en France c’est de donner à la France plus que tout ce qu’elle rêve d’avoir chez un président africain. Et c’est ce qu’il fait avec zèle, passion et méthode. Comment les opposants d’un grand larbin de la France – fussent ils nombreux ou riches – peuvent-ils si peu que ce soit y être audibles, sans parler de jouir d’un appui quelconque pour déstabiliser son pouvoir ? Comment peuvent-ils bénéficier du soutien de la France en cas d’alternance politique dès lors que lui Talon se dévoue corps et âme pour assurer à la France la pérennité de ses intérêts et de ses œuvres au noir en Afrique ?

A la vérité, mon Cher Pancrace, Talon a fait le pari de se placer dans la logique de la prophétie auto-réalisatrice selon laquelle la France est un acteur majeur dans l’installation de régimes en Afrique. Pour lui, soucieux de sanctuariser ses affaires après son séjour au pouvoir qu’il sait temporaire, il vaut mieux être du côté du plus fort, ou de celui qui paraît l’être hic et nunc, et agir afin qu’il en soit ainsi. C’est l’une des raisons pour lesquelles Talon joue à merveille les toutous de la France, émulant sur le terrain de prédilection des Ouattara, Macky Sall et autres Eyadéma. Les circonstances géopolitiques en Afrique ont été une belle opportunité pour lui de faire ses preuves et de se rendre utile à la France. C’est pour cela que, dans les crises du Sahel, il s’est mis au diapason néocolonial français. Président d’un pays côtier frontalier avec le Niger, il a répondu à l’ordre français de blocus de ce pays frère, dont il n’a que faire de la fraternité, comme il n’a que faire des conséquences de son action sur ses propres compatriotes. Car, dans cette obéissance servile, Talon « trouve son compte. » Mais, bien qu’il pense avoir choisi le côté le plus rassurant pour la sanctuarisation de ses affaires, Talon sait que son choix relève d’un pari devant l’histoire. En effet, si la jurisprudence révolutionnaire du Sahel devrait se perpétuer et faire tâche d’huile, cela voudrait dire que le pouvoir français de faire ou de défaire les régimes en Afrique sur lequel a misé Talon va s’éroder, sinon disparaître. Et le Bénin pourrait enfin se regarder dans le miroir de la souveraineté sans rougir. Et les chiens pourront aboyer comme des chiens, les coqs chanter comme des coqs. Tout le pari de Talon serait alors à l’eau.. 

Mais ça mon cher Pancrace, est une autre histoire.

D’une certaine manière, dire que les présidents africains sont serviles est une assertion analytique, au sens de Kant ; c’est-à-dire une sorte de pléonasme car la servilité est dans la définition du président d’Afrique noire, surtout francophone…Le Soleil de la liberté qui se lève au Sahel, où trois pays s’unissent dans l’AES pour donner corps et consistance à leur souveraineté, montre que seule l’union peut abattre les chaînes de la servilité. Car tant que nous serons divisés, la terreur coloniale exercera son emprise sur nous, et nos pauvres présidents  n’y pourront rien. Ce qui n’est pas une excuse pour les mille et un abus, fornications ou corruptions auxquels leur servilité sert de gage.

J’espère en tout cas, avoir répondu à tes questions, et contribué à éclairer cet obscur « Nkan mìǹ » dont tu parles. Restant ouvert au débat, je souhaite plein succès aux patriotes comme toi dans notre lutte pour l’indépendance véritable de l’Afrique.

Binason Avèkes

2 commentaires

  1. Merci pour cette « Lettre à Pancrace », qui donne un éclairage sur l’expression de servilité débridée de Patrice Talon vis-à-vis de la France !

    Il y a, à mon avis, un point que notre cher Binason Avékès, l’auteur de cette lettre, devrait revoir. En effet, il présente les indépendances comme une volonté des puissances cilonisatrices qui, ayant subies les mêmes affres, lors de la brève colonisation allemande, que ce qu’elles font subir aux peuples colonisés, auraient décidé de changer leurs rapports avec ces derniers. Cette présentation de cette partie de l’histoire n’est pas conforme à la réalité. On peut résumer ce qui s’est passé en disant qu’aucune des puissances colonisatrices n’a jamais voulu donner l’indépendance. Celle-ci leur a été imposée par la lutte des peuples pour la liberté. Certes, devant la volonté des peuples de ce libérer du joug colonial, chaque puissance colonisatrice a réagi différemment pour essayer de conserver son emprise ou, du moins, en sauver les intérêts, mais aucune n’a voulu donner l’indépendance de plein gré. Pour ne prendre que cet exemple, De Gaulle, dans son discours en 1944 à la Conférence de Brazzaville, a tracé la voie : il s’agit de faire en sorte que les peuples colonisés « s’intègrent dans la communauté française » . Et c’est dans le même esprit, mais avec des méthodes différentes, que, face aux luttes des peuples colonisés, les puissances colonisatrices vont agir pour essayer de conserver leur empire, quelle qu’en soit la forme, pourvu que leurs intérêts soient sauvegardés.

    La Grande-Bretagne, à la tête d’un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais a adopté une méthode qu’on peut qualifier de « soft » comparée à celles d’autres puissances comme la France ou le Portugal. Néanmoins c’est de haute lutte que des pays comme l’Inde ou le Kenya ont arraché l’indépendance de la Grande-Bretagne, par des luttes sociales, avec tout ce que cela suppose comme souffrances (bastonnades, emprisonnements, assaissinats). Cela n’empêche que la Grande-Bretagne ait réussi à trouver un accord avec les dirigeants nationalistes de ses anciennes colonies pour constituer le Commonwealth, c’est-à-dire pour sauvegarder, au moins en partie, ses intérêts par le non démantèlement complet de son ancien empire.

    La France, quant à elle, étant donné qu’elle a toujours pratiqué le contraire de ce qu’elle prône intellectuellement, en se proclamant frauduleusement « patrie des droits de l’homme » , a eu à faire face à la guerre d’indépendance au Vietnam qu’elle a perdue, à celle en Algérie qu’elle était en train de perdre, et à celle du Kamerun qui venait de commencer. Dans ces conditions, conserver son empire était problématique. D’autant plus que, le 27 avril 1958, les nationalistes et le peuple du Togo, territoire sous mandat de L’ONU (comme le Kamerun) venaient de dire « non » au projet français de « Communauté française », suivis en août 1958 par les nationalistes et peuple de Guinée. C’est alors que pour sauver les meubles, la France a décidé de prendre les devants en octroyant précipitamment, et à la queue-leu-leu, « l’indépendance » à ses ex-colonies, en prenant soin de transférer le pouvoir à ses affidés, après avoir éliminé physiquement les nationalistes, le cas échéant, comme au Kamerun (Ruben Um Nyobé, Félix Moumié etc.) Sylvanus Olympio du Togo sera, lui, assassiné par la France 3 ans plus tard.

    Le Portugal, le plus faible de tous les pays colonisateurs, va s’arc-bouter sur ses positions. Il ne voulait rien changer. C’est au prix de longues luttes armées de libération que la la Guinée Bissau, les Îles du Cap Vert, l’Angola et le Mozambique ont arraché leur indépendance.

    Nous n’avons fait ici que tracer les grandes lignes des conditions dans lesquelles nos pays ont accédé à « l’indépendance ». Nous avons laissé de côté les « détails ». Nous n’avons pas, non plus, abordé les cas particulier de la Namibie, du Zimbabwe et de l’Afrique du Sud. Mais cela suffit pour voir qu’aucune puissance colonisatrice n’a décidé d’accorder l’indépendance à ses ex-colnies, parce qu’elle aurait compris que les souffrances que la colonisation nazie lui faisait subir sont les mêmes que celles qu’il fait subir aux peuples colonisés dans les autres parties du monde

  2. Bonjour Cher Lawson, et merci pour ta prompte réaction, qui traduit un état de veille intellectuelle remarquable.
    Je ne suis pas contre cette analyse. Je crois que cette dimension — celle de la lutte des peuples colonisés — est à prendre en compte, mais je ne crois pas qu’elle soit à même d’expliquer pourquoi le néocolonialisme français, très actif en Afrique noire, est inopérant aujourd’hui en Algérie et au Vietnam.
    Encore une fois merci pour ta réaction !
    B. A.

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