
A l’annonce du coup d’État au Niger, on a vu le coq français se dresser sur ses ergots. Aussitôt, la France a commis d’office la clique de ses président-boys pour gérer la crise. Aussitôt a été levé l’étendard de la Cédéao, ce club de chefs d’État que la France met en scène pour couvrir ses basses œuvres sur le continent. Il est à noter que, de façon curieuse, un pays comme le Nigeria qui a souffert dans les mains de la France durant la guerre du Biafra qu’elle a soutenue avec ardeur et passion, du moins son nouveau président, Bola Tinubu, s’est mis au service de la France, à l’instar de son devancier dans la servilité, le président ghanéen, pseudo-panafricaniste, qui paie un service labial à la conscience africaine pour mieux la poignarder dans le dos. C’est dire que dans cette tragédie que constitue la persévérance du colonialisme français, les pays de l’Afrique de l’Ouest ne peuvent pas compter sur leurs voisins anglophones, alors que le Nigeria, ce poids lourd économique et démographique aurait pu être un bouclier pour eux. Cette solitude est triste et désastreuse ; elle n’est pas sans rappeler la solitude des peuples noirs durant l’ère d’airain de l’esclavage.
Il y a assurément un front commun occidental des dominants de l’Afrique dont la France est le bras politique et le chacal et qui explique la double servilité des pays francophones et des pays anglophones. Dans une astucieuse division du travail, la France assure la mise au pouvoir, et le dressage de ses ludions, tandis que l’Amérique et la Grande Bretagne s’occupent conjointement de la sphère anglophone.
Toutefois et en l’occurrence, la servilité des chefs d’État francophones dans le dossier du Niger n’a pas la même motivation si on passe de la Côte d’Ivoire au Nigeria, ou de Ouattara à Tinubu ou à Akufo-Addo. Ce qui se passe en Afrique de l’Ouest est assez parlant. Le coup d’État du Niger est le quatrième du genre dans la sous-région émanant de pays francophones. A l’évidence, il est le signe d’un malaise. Au moment où, en plus des sanctions injustes, illégales et inhumaines imposées au peuple du Niger, la Cédéao menace d’intervenir militairement de façon tout aussi illégale pour soi-disant sauver la démocratie, la série des coups d’état intervenus dans la région interroge en fait sur ce qui, jusque-là, y est tenu pour démocratie. En effet, concrètement, nous avons affaire à une drôle de démocratie, une démocratie sans peuple, une démocratie qui met hors-jeu les peuples, une démocratie fondée sur des élections de Président. Or ces élections sont des parodies d’élections, des élections lourdement truquées et dans lesquelles le soi-disant président élu ne l’est le plus souvent que par une infime minorité des voix réelles, le reste n’étant que bourrage d’urne, achat de conscience, subornation des institutions chargées du vote, violence, intimidations, assassinats, etc. : tout cela subtilement et non moins crapuleusement béni par la soi-disant communauté internationale. L’une des preuves de la nature foncièrement frauduleuse des élections présidentielles est-ce qu’il se passe durant les saillies de troisième mandat –un coup d’état constitutionnelle dont la mise en scène signe le caractère théâtral même de la démocratie DCI (Démocraties communauté internationale) — un type de coup d’état qui fait florès en Afrique francophone et qui n’intéresse ni la Cédéao ni la communauté internationale, bien que son exécution soit souvent sanglante, violente et coûteuse en vie humaine. Le paradoxe de ces coups de force est que d‘un côté le peuple est farouchement opposé à la saillie du troisième mandat à une écrasante majorité (70 à 80%) ; ce refus est payé souvent de dizaines de morts et de blessés. On l’a vu naguère en Côte d’Ivoire ou en Guinée, et on l’a vu récemment au Sénégal où à titre préventif pour une saillie de troisième mandat qui pour l’instant semble avortée, pas moins de 30 jeunes ont été massacrés par les forces du pouvoir. Mais curieusement lorsque le Président va au bout de sa volonté de troisième mandat et organise les élections, malgré l’écrasante majorité du peuple qui y est opposé, il est déclaré gagnant souvent avec un score imposant ! Si les élections présidentielles dans les pays de la Cédéao férus de troisième mandat étaient justes et transparentes, les peuples qui y sont opposés en majorité aurait dû avoir gain de cause dans les urnes, dans des élections qui traduiraient un rejet massif du président putschiste ; or à chaque fois, du Congo, en Côte d’Ivoire en passant par la Guinée, ça a été le contraire ! Dès lors ou bien les peuples sont schizophrènes ou bien les élections que ce soient celles du premier mandant ou celles du troisième mandat, sont une farce bénie par la communauté internationale pour mettre et maintenir au pouvoir une élite à sa solde.,
C’est donc la mise hors-jeu des peuples, leur muselage citoyen et leur émasculation politique qui sont à l’origine des coups d’État, devenus le seul moyen pour les peuples de prendre la parole et d’espérer sortir de la cage politique dans laquelle ils sont subtilement enfermés par les Démocraties DCI qui sévissent en Afrique. Ainsi, le fait qu’au Togo et au Gabon, par exemple ce sont des Gnassingbé ou des Bongo qui se relaient au pouvoir depuis cinquante ans de père en fils est banalisé et naturalisé là où le coup d’état du Niger devient pour la Cédéao un casus belli ! On comprend alors la panique qui saisit les castes au pouvoir dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, révulsés de voir que la machine bien huilée de la mise hors-jeu du peuple dans la vie politique tout à coup se grippe ; d’où leur désarroi et leurs réactions excessives. Dans le cas d’espèce, les peuples qui soutiennent les coups d’état militaires ont compris que ce sont des actions salutaires pour faire entendre leur voix.
Le vent des coups d’État qui a débuté au Mali a continué à souffler sur la zone et les pays du Sahel ou de l’Afrique de l’Ouest sont touchés : le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et maintenant le Niger, tous des pays francophones. Comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, on comprend la peur panique qui s’empare des chefs d’État des autres pays, notamment des plus criminels d’entre eux, comme Ouattara, qui en a gros sur la conscience et ne peut tenir longtemps sans la supercherie de la Démocratie DCI bénie par la France, d’où il tire sa légitimité.
Voilà donc la raison logique et endogène de la servilité des Ouattara et consorts. Mais cette raison n’explique pas à elle seule la violence de la réaction des chefs d’Etat de la Cédéao, leur montée au créneau, leurs cris d’orfraie, leurs rodomontades et cris de guerre, les sanctions inhumaines et illégales prises à l’encontre du peuple du Niger qu’ils espèrent forcer à la révolte contre les Officiers patriotes, et leurs menaces d’intervention militaire relayées et soutenues par la France. L’autre raison est psychologique et exogène. Elle consiste pour chacun de ces présidents menacés à faire assaut de servilité pour ne pas être pris en défaut par la France, pour qu’elle ne les soupçonne pas de faiblesse et encore moins de grève de zèle dans leur sale boulot de larbins, suppôts indigènes du néocolonialisme. En effet, si dans cette affaire, l’un quelconque des chefs d’État trahissait la moindre faiblesse dans sa servilité, si son zèle devait être jugé insuffisant ou pas à la hauteur, alors, non seulement la France ne le préviendrait pas du mauvais vent d’un coup d’État éventuel, mais dans la plus pure tradition de ses mœurs néocoloniales crapuleuses, elle pourrait contribuer à orienter ce vent dans la direction du moins servile d’entre eux. D’où ces aboiements des uns et des autres, cette émulation pathétique dans la servilité.
Toutefois les risques de ce concours de servilité ne sont pas les mêmes pour tous ces chefs d’État larbins. En effet les vieux requins blanchis sous le harnais de la Françafrique n’ont pas la même crainte du courroux de la France que les novices. En clair un Ouattara ou un Macky Sall, tèterait moins cette mamelle qu’un Talon. Les uns sont les suppôts de la Françafrique avec leurs réseaux et font corps avec le système, tandis que les autres, novices ne faisant pas partie du sérail politique sont obligés de compenser leur faible poids politique par un excès de zèle. On comprend pourquoi un Président comme Talon, aboie plus fort que ses pairs et fait plus qu’eux assaut d’agressivité contre les Officiers patriotes du Niger, au point d’en oublier le Niger même et son peuple frère, parce qu’il tète à 100% les deux mamelles.
Adenifuja Bolaji
