
Un Coup d’État Contre la Démocratie ou Erreur de Manipulation de la France qui Profite au peuple ?
DÉCRYPTAGE DE El Kaougé Mahamane Lawaly, du journal « Le Souffle de Maradi »
《Comme dirait l’autre, le nigérien doit aujourd’hui faire preuve d’une extrême « lucidité » pour comprendre par lui-même, ce qui se passe dans son pays et l’expliquer sans colère, aux citoyens d’Afrique et du monde entier.
Au-delà de la désinformation
Ballotté et submergé dans des avalanches de désinformation ininterrompues, le nigérien lambda dont le regard ne cesse de vaciller de gauche à droite, au gré des informations qui tombent, n’a en effet pas assez de temps, pour faire une halte, regarder de tous les côtés et même prendre de l’altitude par rapport aux faits.
Et pour cause, tout est mis en œuvre pour qu’il ne prête pas attention au « contexte », c’est-à-dire ce qui a précédé le coup d’État, mais plutôt au « texte », c’est-à-dire, l’acte du coup d’état lui-même et les réactions de ses acteurs. Une stratégie de « communication de dissimulation » bien connue, destinée à dérouter les analyses et cacher le véritable commanditaire et ses motivations.
Le fil de l’histoire
Il suffit pourtant d’un coup d’oeil dans le rétroviseur, avant le 26 juillet à Niamey, pour comprendre assez facilement les évènements en cours au Niger, ainsi que les acteurs et leur degré d’implication.
Selon tous les recoupements, la crise a pour point de départ, la volonté du président Bazoum, conformément aux accords politiques contractés par son parti avec un autre à la veille des élections présidentielles de 2021, de nommer après deux ans, un nouveau premier ministre, en l’occurrence Albadé Abouba, président du MPR Jamhuriya, la 2e force politique de la mouvance présidentielle.
Mais problème, le sieur Albadé est un héritier de Tandja Mamadou et cela n’a sans doute pas plu à Paris qui aurait usé de tous les canaux directs et indirects dont elle dispose à Niamey pour dissuader Mohamed Bazoum de procéder à cette nomination. Ce que Bazoum aurait carrément refusé, d’après les rumeurs de Niamey. En effet, le duo Bazoum – Albadé, comme l’avait déjà prédit Feu Sanoussi Jakou, allait non seulement reléguer « l’aile Issoufou » au second plan, un ouf pour Bazoum, mais pouvait davantage prendre en charge et défendre les intérêts du Niger face à la France… Comprenez alors pourquoi la junte a fait appel à un autre « enfant de Tandja » pour occuper ce poste.
Devant ce refus assimilé à une rébellion, les stratèges de l’Elysée et du Quai d’Orsay préféreront utiliser la carte de l’intimidation, à travers l’ancien Président Issoufou Mahamadou, promettant à son fils le poste de Premier Ministre. Issoufou, connu déjà pour avoir une grosse faiblesse envers son fils, accepta le deal boiteux et se serait servi de Tchiani pour contraindre Bazoum Mohamed à nommer son fils Abba à la Primature, au détriment d’Albadé Abouba.
Le 26 juillet, très tôt le matin, le général Abdourahmane Tchiani, commis par Issoufou Mahamadou d’après plusieurs commentateurs, était en discussion animée avec le président Mohamed Bazoum autour de ce point mais également sur une autre décision controversée, celle de libérer une fois encore des terroristes sur « les conseils » de qui on pouvait imaginer. Personne ne connait encore les détails de ce mano à mano entre les deux personnalités. « Bazoum a refusé », c’est tout ce que ces proches laissent filtrer de cette entrevue fatidique.
C’est ainsi que la présidence fut barricadée, empêchant à Bazoum Mohamed tout mouvement hors de sa résidence principale ainsi que l’accès à la présidence à tous ses collaborateurs civils. Aux dires des gens, Issoufou Mahamadou aurait fait des apparitions à la présidence de la République au moment des faits. Jusque-là, la France contrôlait ce qui se passait à Niamey. Elle ne voulait pas d’un coup d’État contre Bazoum, mais juste de le contraindre à renoncer à son projet de nomination. Elle avait déjà obtenu son aval sur la libération des terroristes.
Un coup d’État divin
Comment est-on passé d’une simple opération de pression sur le Président Bazoum, inspirée par la France, à un coup d’état militaire dirigé contre la France ? C’est ici que les nigériens voient directement la main divine, tant le changement de situation a été brusque, imprévu et radical en sa faveur.
Les 3 acteurs clés du drame nigérien, à savoir Bazoum « la victime », Tchiani « l’exécutant » et Issoufou « le commanditaire », étaient jusqu’au 26 juillet, les principaux « points focaux » de l’architecture garantissant la domination française au Niger. Une armature qui a fait ses preuves pendant une douzaine d’années, que la France croyait sans doute solide à jamais, mais qui a littéralement explosé au détour d’une mauvaise manipulation.
En effet, Bazoum séquestré avec son téléphone, l’information a vite fait le tour du monde: Un coup d’État était en vigueur au Niger. Pour l’essentiel, c’est lui qui a alerté ses pairs de la CEDEAO et même suggéré les mesures draconiennes, sélectives et ciblées qui frappent son pays. Devant l’impasse de la situation, le général Tchiani aurait fait appel à ses frères d’armes. Dans un premier temps sceptiques à cause de sa présumée « personnalité clivante », les principaux chefs des unités militaires, l’auraient ensuite rejoint, surtout après avoir pris connaissance de la décision de Bazoum de procéder à une nouvelle libération de terroristes. Un nouvel affront pour les militaires, après les avoir qualifié de « moins aguerris » que les mêmes terroristes, auparavant dans une interview sur les médias français. Plusieurs fois d’après les indiscrétions de Niamey, le Général Tchiani aurait tenté de l’en dissuader.
C’est cette dernière situation, semble-t-il, qui aurait provoqué le volte-face de Tchiani et facilité sa réconciliation avec ses frères d’armes. Dès la première déclaration publique des mutins à laquelle Tchiani n’avait pas participé, la France a compris qu’elle a tout simplement échoué dans son plan de manipulation, avec en prime, une perte sur toutes la ligne : le chouchou Abba ne sera pas premier ministre, les djihadistes ne seront pas libérés et un nouveau slogan « La France dégage », embrasera tout le pays.
Intervenir pour quoi faire ?
Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère de la France qui, à travers sa « caisse de résonance » de la CEDEAO et de l’UEMOA, sans protocole aucun, en plus des sanctions proposées par Bazoum Mohamed lui-même contre son pays, mit sur la table l’option de l’intervention militaire pour déloger la junte et restaurer la démocratie.
Pourquoi la France veut-elle intervenir militairement au Niger ? Sans doute pas pour restaurer Bazoum Mohamed sur son trône, lui qui a entamé une « rébellion » par son refus d’obtempérer et son indocilité. Selon nombre d’analystes africains, cette opération si elle a lieu, serait en priorité un prétexte pour liquider physiquement, en même temps Bazoum, Tchiani, voire même Issoufou, parce qu’ils connaissent trop de secrets. Et pourquoi pas après s’acheminer vers un « scénario tchadien » comme forme de transition…
Vu sous cet angle, ceux qui, au Niger ou ailleurs en Afrique, pensent que le coup d’État du 26 juillet a été perpétré contre la démocratie se trompent lourdement. Au Niger, la démocratie n’était nullement menacée. Ce qui était menacée, c’est « la sauvegarde de la Nation ». Plus naïfs sont encore ceux qui croient que Bazoum Mohamed serait restauré sur son trône par l’intervention militaire, car son véritable objectif pourrait être ailleurs.
Seul le peuple croyant du Niger a compris tous ces paramètres en même temps, lui qui n’a pas hésité une seconde, à soutenir dès les premières heures de la crise le conseil national pour la sauvegarde de la patrie CNSP dirigé par le Général Tchiani.
Pour l’écrasante majorité des Nigériens en effet, ce coup d’état très propre, est avant tout la suite du combat pour l’indépendance et la souveraineté du Niger sur son territoire et ses ressources naturelles, tel que entamé par les Djibo Bakary, Diori Hamani, Seyni Kountche, Baré Mainassara et Tandja Mamadou.
Vive le peuple nigérien indépendant et souverain dans une Afrique libre !》
