
« Avec le projet de dragage, la Marine sera mieux équipée pour protéger nos côtes, freinant ainsi le vol de pétrole brut et le soutage illégal et d’autres activités criminelles qui semblent avoir profité de la difficulté du terrain pour l’utilisation opérationnelle des plates-formes navales.«
Le vice président Osinbajo du Nigeria par cette déclaration met le doigt sur une plaie obscure de la zone. D’une part, le vol du pétrole brut n’est pas sans lien avec le trafic d’essence frelatée dont profite le Bénin. Si cette mesure va à sa fin, ajoutée à la suppression de la subvention des produits pétroliers qui est dans l’air, elle va faire mal, et très mal au Bénin, qui subira une hausse drastique des prix de l’essence, et d’une manière générale des produits pétroliers.
D’autre part, la déviation du pétrole béninois vers le Nigeria a été évoquée à plusieurs reprises au fil des ans. Cette déclaration montre bien que la zone est propice à de telles manœuvres, y compris avec l’aval souterrains de certains acteurs ou institutions étatiques. Les deux pays partagent une frontière maritime commune, et il est techniquement possible que du pétrole béninois soit détourné vers le Nigeria de manière illégale et apatride. Même si ces allégations n’ont pas été prouvées de manière concluante, certaines choses restent troublantes :
- La rapidité extraordinaire avec laquelle la question de la production de pétrole au Bénin a été évacuée en l’espace de 4 ans. Une telle durée valait-elle la peine de l’exploitation ?
- Le fait que de tous les états de la zone, ce n’est que le Bénin qui n’a pas de gisement conséquent de pétrole.
- Même l’Etat de Lagos à quelques encablures de Sèmè devient à son tour un état pétrolier
- La construction dans la même zone d’une bouée de chargement de pétrole peut aussi être considérée comme un rideau de fumée pour cacher et maquiller des activités plus sous-marines et moins recommandables
- Qu’en est-il de la promesse faite en 2013 par la société nigériane Sapetro qui aurait redécouvert du pétrole dans la zone, après le ballet norvégien des années 1980 ? De la poudre aux yeux façon Yayi ? Ou bien une mascarade des Nigérians pour ausculter la zone et mieux positionner leurs pipes sous-marins ?
En effet, sous l’ancien président Boni Yayi, le Bénin avait entrepris de relancer ses projets d’exploration pétrolière. Après la découverte d’un gisement brut de 87 millions de barils en 2013, Barthélemy Kassa, le ministre de l’Énergie d’alors, avait promis que « le pays marquerait bientôt son retour dans le groupe des producteurs mondiaux de pétrole ». Malheureusement, ces ambitions n’ont pas eu de suite, et ressemblent au mieux à un de ces effets d’annonce dont le régime de Yayi était très friand.
L’arrivée au pouvoir de Patrice Talon a coïncidé avec la signature d’un accord optionnel entre la société d’exploration britannique United Oil & Gas et la société américaine Elephant Oil, pour une participation de 20% dans l’accord de partage de production couvrant le bloc d’exploration B, à l’ouest de Cotonou. Situé dans la baie du Dahomey, ce bloc n’a encore fait l’objet d’aucun forage à ce jour. Néanmoins, d’après le résultat des campagnes d’exploration qui y ont été précédemment menées, il pourrait abriter une réserve de plus de 200 millions de barils.
Étant donné la tendance égoïste des Béninois à privilégier l’enrichissement personnel à la richesse nationale, complotiste ou pas, l’idée d’une collusion apatride pour mettre hors jeu le Bénin ne peut être exclue. L’intérêt du Nigeria étant d’enfermer son petit voisin dans le rôle de pourvoyeur de produits agricoles — précieux complément alimentaire pour un pays de près de 300 millions de bouches à nourrir — et de se faire maître exclusif de la manne pétrolière de la zone. En effet, au vue de sa taille et de ses ambitions, le Nigeria entend bien exercer dans la zone un pouvoir léonin, en faisant économie de certains actes en contradiction avec l’éthique de bon voisinage ou les lois internationales.
Selon les données de la Banque mondiale pour l’année 2020, l’agriculture représente environ 24,8 % du PIB du Bénin, et elle emploie environ 66,5 % de la population active. Le coton est toujours une culture importante pour le Bénin, mais le pays produit également du maïs, du riz, de l’igname, du manioc, des arachides, du sorgho et d’autres cultures vivrières. La production de pétrole a connu un pic à 8 000 barils par jour en 1986 mais le pays n’a pas produit de pétrole depuis 2004, indiquent les chiffres de l’Agence d’information sur l’Énergie (EIA) américaine.
Adenifuja Bolaji
