Marine ou la Peine du Malentendu

Au cœur de l’attraction qu’elle exerce sur un électorat qui s’est élargi à gauche au fil des années depuis l’impulsion droitière de son père, Marine Le Pen a placé le discours mythique de la préférence nationale  qu’elle tient de lui.

Tout le monde se souvient du fameux théorème de la préférence de Jean Marie Le Pen :  « Je préfère ma fille à mes amis, mes amis à mes voisins, mes voisins à mes compatriotes, mes compatriotes aux Européens. » Et la série régressive, on l’imagine, continue logiquement et non moins activement jusqu’au Noir et à l’Arabe.

Ainsi, la grande majorité des Français qui ont voté pour Marine Le Pen, à l’instar de ceux qui ont choisi au premier tour Éric Zemmour, son concurrent en xénophobie, espèrent qu’aussitôt élue, elle mettrait dehors les Étrangers. Acte par lequel, enfin la France serait rendue aux Français, et débarrassée de toute la racaille (Sarkozy) qui l’encombre. Et pour les Noirs et les Arabes – puisque c’est sur eux que se cristallise la haine xénophobe des électeurs d’ « extrême droite » — qui ne seront pas immédiatement expulsés de France, eh bien pèseront tout aussi immédiatement sur eux les rigueurs de la loi de préférence nationale qui entrera en vigueur : fini les allocations familiales et autres APL et HLM pour les étrangers !

Dans l’esprit de ces Français qui ont élu l’étranger comme bouc émissaire idéal de leur malheur et que la xénophobie a rendu plus idiots qu’ils ne le  sont de naissance, Français = Blancs- chrétiens-de-France, et Étrangers = Africains-Noirs-et-Arabo-musulmans = PPP (Parasites, Paresseux, Profiteurs). On le voit d’ailleurs avec les événements d’Ukraine où ces mêmes personnes qui veulent expulser de France des Africains parlant le français ouvrent grands les bras à des Ukrainien ne parlant pas un mot du français, et ce sur la  seule base qu’ils sont blancs et chrétiens…

Dans l’esprit de ces pauvres demeurés tout Noir ou Arabe de France est un Étranger ; et à ce titre devra être expulsé de France ou soumis à la loi de préférence nationale, qui fera la part belle aux Français, c’est-à-dire aux Blancs arborant des prénoms chrétiens – car selon le commandant en chef de l’idéologie xénophobe, Zemmour, le prénom chrétien figure la condition nécessaire de l’identité française.

Or, là où l’aporie sinon l’absurdité surgit c’est qu’une grande majorité des Noirs et des Arabes après lesquels les xénophobes en ont sont des Français comme eux ; et à ce titre ils ne pourront légalement ni être automatiquement expulsés du fait de leurs origines ni subir les lois de préférence nationale dont la promesse tambour battant par les candidats de l’Extrême droite  est à l’origine de leur fortune électorale.

Marine Le Pen le sait mais joue sur le velours de ce consensus frauduleux. Elle s’est donné la peine du malentendu afin d’en tirer tout le bénéfice électoral possible. Cette peine lui a déjà porté bonheur en la hissant au second tour pour le plus grand  bien de son adversaire, Monsieur Macron, qui ne rêvait pas meilleur adversaire.

Après le temps des passions qui culminera jusqu’au soir du second tour, si elle était élue présidente, Marine Le Pen entrerait dans le temps de la vérité où ses électeurs aveuglés par leur passion xénophobe devront, dans une déchirante désillusion, composer avec la réalité : tous les Français ne sont pas Blancs et/ou chrétiens

Ahandeci Berlioz

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