
Alors que les Blancs ne manifestent que mépris pour nos cultures, ce qu’ils en pensent et en font dans le fond est bien différent de ce qu’ils en disent haut et fort. En règle générale, le mépris du Noir – que cela se traduise par le fait de lui dénier tout lien historique et culturel avec l’Égypte, ou le dénigrement de son identité anthropologique, ne vise qu’à justifier le bien fondé de la soi-disant mission civilisatrice du Blanc — masque trompeur du pillage de l’Afrique noire.
Derrière ces postures et discours idéologiques, fort différent est l’intérêt que portent les Blancs à nos cultures, dans lesquelles ils n’ont de cesse de glaner toute essence utile et digne d’intérêt. Car pour le Blanc, à l’instar de sa violence, l’exploitation n’est pas seulement matérielle mais aussi symbolique. Ainsi, on sait que durant la guerre, l’effort demandé aux communautés ne se limitait pas à la conscription obligatoire des tirailleurs, qui servaient volontiers de chair à canon dans les boucheries sauvages qu’ils appelaient commodément guerres mondiales. Pendant ces moments de folie, le Blanc recherchaient la voie du salut dans la sagesse africaine. Ainsi, les Gouverneurs au Dahomey, n’hésitaient-ils pas à approcher nos religieux et nos sages pour quérir la bénédiction de nos divinités en faveur de la France. Entre autres actions propitiatoires, le Fa était alors mis à contribution.
Ainsi, par exemple, comme l’écrit l’anthropologue Bernard Maupoil1, au cours d’une de ces démarches propitiatoires intentées par le colon, le signe Okanran mèji(Y), Akla-mèji(F) s’est manifesté au début de la guerre en 1914. C’est lui que trouva en consultation « le roi de la nuit » de Porto Novo, le Zùnon, qui raconte l’histoire.
« J’allai aussitôt voir le Gouverneur — Charles Noufflard à l’époque — pour lui bien affirmer que les Français ne seraient pas battus, et le rassurer ».
Ce jour-là, deux bœufs furent sacrifiés en l’honneur de cet heureux signe. Un agent recenseur assistait à la cérémonie, et représentait le Gouverneur.
A Abomey, à la même époque, des bœufs et des cabris furent offerts dans les mêmes conditions aux divinités locales.
Comme quoi, pour le Blanc, le Noir est à exploiter partout : sur terre et au ciel !
Ahoponu Bèdegla
1La Géomancie à l’ancienne Côte des Esclaves
