
Dans une récente interview à la Radio Françafrique RFI, Lionel Zinsou a décrit la situation agricole et économique du Bénin comme satisfaisante ; il a aussi exprimé son satisfecit sur le climat des affaires dans la pays. La tonalité des propos de l’ancien premier ministre est que globalement, le Bénin est sur la bonne voie.
Ce discours a choqué plus d’un, au point que beaucoup se sont demandé si l’ancien adversaire de M. Talon à la présidentielle de 2016 n’était pas atteint d’une forme de syndrome de Stockholm. Les plus choqués étaient surtout ceux qui sont habitués à s’attendre qu’un potentiel opposant peigne en noir les actions du gouvernement. Mais il semble que Lionel Zinsou n’entend pas se laisser enfermer dans ce schéma manichéen classique et qu’à l’instar du fairplay dont il a fait montre en 2016 au soir du second tour, il entend user de sa liberté. Cela justifie l’aperçu qu’il donne de la situation économique, un aperçu qu’il a voulu objectif et sans langue de bois, et qu’il met au compte des travailleurs et du peuple béninois.
Quoi qu’il en soit l’éloge de l’action gouvernementale saute aux yeux. Et c’est cela qui choque, de la part d’un homme que le pouvoir eut tôt fait de compter parmi ses ennemis à abattre et à qui il n’a pas épargné une chasse aux sorcières politique et judiciaire aussi grossière qu’implacable..
Malgré l’hostilité manifeste du pouvoir à son encontre, Lionel Zinsou semble opter pour un apaisement des tensions. Si son point de vue sur l’action du gouvernement se défend de toute subjectivité – et le fait qu’il ne soit pas critique plaide, à première vue, pour cela –il reste que le regard positif qu’il y jette n’est pas exempt sinon d’une entente préalable du moins d’arrières pensées politiques.
Le choc qu’ont suscité les appréciations de Lionel Zinsou sur l’action du gouvernement n’est pas étranger à l’expertise qui lui est reconnue dans le domaine économique et financier. Si sa formation et sa carrière justifient cette expertise, l’erreur de ceux qui s’arrachent les cheveux en raison de ses vues sur la situation économique actuelle du Bénin tient moins à la vérité absolue de ses propos qu’à la tendance qu’ils ont à les prendre pour parole d’évangile. Le piédestal imaginaire qu’ils lui confèrent et la science infuse dont ils le supposent détenteur rendent raison de leur désarroi.
Or, outre le fait que l’économie n’est pas une science exacte – pour autant qu’elle en soit une – l’idéologie y prend souvent le pas sur le souci de vérité. Il ne faut pas oublier que Lionel Zinsou est un chantre du franc CFA. Or la grande majorité des économistes africains considèrent cette monnaie comme une arnaque coloniale française. Ce qui renvoie à la question de savoir si Lionel Zinsou est un économiste africain ou un économiste français.
Donc, en fin de compte, il faut relativiser l’objectivité accordée d’instinct aux propos d’un homme comme Lionel Zinsou à la posture existentielle ambiguë. Cette tendance à lui donner le bon Dieu sans confession sur les questions économiques sous prétexte d’expertise. D’autant plus que cette ambiguïté peut être le moteur de son objectivité présumée. Dans le contexte actuel de recherche tous azimuts de légitimation de sa candidature pour un second mandat, il n’est pas exclu que Monsieur Talon ait requis ce service de défense et illustration de son action. De la part d’un homme qui n’est pas avare de théorie pour faire vivre le lion français et la gazelle africaine sous le même toit, et qui a souvent excellé dans des postures à contre-courant sinon douteuses, il est permis de douter qu’il ait accepté de rendre ce service hautement politique contre une simple gorgée d’eau fraîche.
« Beat them or join them, » disent les Anglais ; en realpolitik à la sauce Zinsou, cela s’appelle : mettre son expertise au service de ses intérêts personnels !
Adenifuja Bolaji
