Livre : Moi, Émoi

blog1La question de savoir ce que nous sommes a beau être aussi vieille que nous, elle n’en demeure pas moins l’objet de discussions animées entre métaphysiciens et philosophes de l’esprit. Chose pensante, personne, animal, inexistence : quel est ce je qui parle pour nous ?

 

Que sommes-nous ? est avant tout un formidable tableau des différentes réponses que la philosophie de l’esprit a pu apporter à cette question. Présentées de façon méthodique et rigoureuse, ces thèses n’en sont pas moins poussées à leurs limites par l’auteur. Eric T. Olson — professeur à l’université de Sheffield, spécialisé en métaphysique et dont les recherches portent essentiellement sur l’identité personnelle, les objets matériels, le temps et la mort — défend ici la thèse animaliste dont il est devenu depuis son article « Human People or Human Animals ? » [1] l’un des plus célèbres représentants. Ainsi, la meilleure réponse à la question « Que sommes-nous ? » pourrait bien être aussi la plus intuitive : nous sommes des animaux.

Le sens de la question

Ce livre est un livre de métaphysique. Du moins est-ce en ce sens que la question « que sommes-nous ? » se pose pour E. T. Olson : métaphysiquement. Autrement dit, elle ne vise pas à déterminer par exemple ce que nous sommes empiriquement, comme le feraient la physique ou la biologie, mais ce qui nous qualifie en propre, en tant qu’être ou réalité spécifique. Et puisque toute réponse sérieuse commence par la saisie du problème qu’elle prétend résoudre, l’auteur consacre son premier chapitre à l’analyse de cette question. D’abord faut-il, donc, distinguer la question métaphysique qu’il pose d’autres questions, comme celle, anthropologique, qui concerne ce que nous estimons être, ou celle de notre identité personnelle (« Quisuis-je ? », « Suis-je la même personne à l’instant t et à l’instant t+n ? »). Certes, le problème de notre persistance peut nous aider à déterminer négativement ce que nous sommes : par exemple, si notre identité à travers le temps consiste dans le fait d’être une continuité psychologique non divergente et en permanence physiquement réalisée, doit-on exclure l’hypothèse selon laquelle nous serions des organismes, puisqu’un organisme peut persister sans continuité psychologique ? Reste que la question de l’identité personnelle n’est pas celle, métaphysique, qui intéresse E. T. Olson (« Que sommes-nous ? »). De même, il ne s’agit pas ici de se demander à quoi le mot « nous » fait référence, c’est-à-dire ce que nous désignonslorsque nous disons « nous » ou « je » : une chose mentale ? Un corps ? Autre chose encore ? Car, une fois encore, « ceci est un livre de métaphysique, pas de philosophie du langage ». Et l’auteur d’ajouter :

notre préoccupation porte sur la chose pensante. (p. 19)

Manière pour Olson de préciser une première fois la nature de cette chose que vise le « nous » de la question, en renvoyant incidemment à la thèse cartésienne du dualisme des substances, qui distingue la chose pensante de la chose étendue.

C’est pourquoi il n’est pas non plus satisfaisant de répondre « nous sommes des personnes » à la question du livre. En effet, cette réponse ne nous permet pas de savoir si nous sommes concrets ou abstraits, des substances ou non, si nous avons des parties, etc. Et l’on peut donner une définition de ce que sont des personnes sans savoir pour autant a) si nous en sommes nous-mêmes et, plus encore, b) ce que nous sommes. Si cette réponse convient dans certains contextes, par exemple éthique ou juridique, ce n’est pas le cas ici. Le terme « nous », à l’aune de la question « que sommes-nous ? », renvoie donc à la détermination « nous les humains » plutôt que « nous les personnes humaines ».

Une fois cette première clarification établie, E. T. Olson va décortiquer les termes du problème qu’il pose et le « subdiviser en questions plus petites auxquelles il est plus facile de s’attaquer » (p. 7) comme celle de savoir de quoi nous sommes faits, si nous avons des parties, si nous sommes concrets ou abstraits, si nous persistons à travers le temps, etc. L’examen des différentes réponses que l’on peut adresser à ces questions constitue la trame du livre. On y trouve ainsi la thèse selon laquelle nous sommes des animaux (chapitre 2), des parties d’animaux (chapitres 3 à 5), des faisceaux de perceptions (chapitre 6), des âmes (chapitre 7) ou rien du tout (chapitre 8).

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