Au Bénin, outre la mainmise sur les médias publics, la voie royale de l’unification de la pensée qu’impose le régime Yayi est celle de la mise sous contrat des médias et des médiateurs privés. Cette voie s’exerce par deux modalités complémentaires. La première modalité, qu’on pourrait appeler la mise sous contrat positive, exige du média ou du médiateur de parler en bien du pouvoir et de son chef, de faire en permanence leur promotion sinon leurs louanges. La deuxième mise sous contrat est une modalité négative. Elle ne demande pas au média ou au médiateur de parler mais de se taire. Dans cette clause spécifique, à défaut de les encenser ou de leur jeter des fleurs, le médiateur ou le média mis sous contrat, s’engage seulement à ne rien dire sur le régime et son chef, à faire motus et bouche cousue, à faire la politique des trois singes de la sagesse africaine : ne rien voir, ne rien entendre et bien sûr ne rien dire ; à faire comme si le régime n’était pas miteux et calamiteux et que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Cette demande est d’autant plus problématique que ceux qui les reçoivent passent par ailleurs pour des gardiens de la bonne pensée, et les éveilleurs de la conscience nationale.
La modalité positive de la mise sous contrat s’adresse aux médias en tant qu’organe ; tandis que la modalité négative concerne surtout les médiateurs, et pas seulement ni principalement le journaliste lambda, mais surtout et plutôt certains acteurs sociaux médiatiquement en vue comme les grands propriétaires de média en tant que personnes publiques, certains écrivains ou supposés tels, les responsables d’O.N.G. voire même des chefs de partis politiques non étiquetés proches du pouvoir. Cette tourbe bigarrée et malicieuse, une fois mise sous contrat, essaye ensuite de faire passer son silence forfaitaire comme l’expression d’une éthique ou d’une esthétique choisie. Mais il s’agit à l’évidence d’une posture en trompe-l’œil, qui en dit long sur les contorsions et simagrées en vigueur sur le marché public de l’estomac.

Alan Basilegpo