L’Occident Face à la Roulette Russe

On a proposé la paix à l’Ukraine, mais, envoûtée par l’Occident, elle a refusé la paix et s’est jetée à corps perdu dans la guerre. Résultat, elle a été amputée du tiers au moins de son territoire dans la zone la plus prospère économiquement et elle a perdu au moins le tiers de sa population, principalement au profit de la Russie. Actuellement se développe à on ne sait quelles fins, une sourde rhétorique disant que l’Occident doit tout faire pour que l’Ukraine ne perde pas la guerre. Tout faire pour que la Russie, résumée en la personne de Poutine, ne gagne pas la guerre.

On peut imaginer qu’il s’agit d’une forme de dénégation de la réalité comme cela a été le cas pendant les deux dernières années où, à coups de formules enchantées, on s’est persuadé que la Russie ne valait rien, qu’on allait en faire une bouchée en deux temps trois mouvements ; et aujourd’hui qu’on se rend compte que dans la réalité c’est tout à fait le contraire qui saute aux yeux, on trouve une formule rhétorique subtile pour maquiller la vérité à l’entendement de l’opinion.

Comme avec tous les slogans propagandistes hurlés depuis deux ans, les Occidentaux se persuadent que ce nouveau mantra a du sens. Poutine, le diable ne doit pas gagner. L’Occident représente le camp du bien — ce même camp du bien qui, comme chacun sait, fait actuellement du bien à Gaza – et que la Russie ou Poutine représente le camp du mal. Pourtant, toute personne qui a un brin de jugeote et de mémoire, sait, en termes de mal sur cette bonne et brave terre, que ce n’est pas la Russie qui a pratiqué la traite négrière pendant plus de 400 ans sur les Noirs africains. On sait que ce n’est pas Poutine qui a exterminé les Amérindiens ; on sait que ce n’est pas Poutine qui a colonisé et qui colonise encore l’Afrique aujourd’hui avec le franc CFA. On sait que ce n’est pas Poutine qui a massacré des centaines de milliers d’Irakiens, des enfants, des bébés, des vieux, des femmes.

Apparemment, les Occidentaux ne s’écoutent pas parler. Comme leur force a permis jusqu’ici d’imposer leur volonté, ils ne se soucient pas de ce qu’ils disent, le vrai ou le faux, peu leur chaut. Ils croient encore que leur puissance peut justifier leurs propos d’aujourd’hui, alors que le monde est en pleine mutation et que cette puissance – économique, militaire ou diplomatique – est à conjuguer au passé. Ils croient que leurs propos fussent-ils délirants, mensongers, extravagants, arrogants, comme jadis et naguère, finiront par avoir le dessus. Mais ils se trompent largement.

Le danger pour l’Occident, à ce seuil critique de l’histoire du monde, c’est de ne pas connaître le même sort que l’Ukraine : tomber dans le piège de la roulette Russe. Car dans cette affaire, il faut savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. Au lieu de tirer leçon de leur échec actuel, les Occidentaux prennent le risque, en se lançant dans une surenchère guerrière avec la Russie, de finir par un cuisant échec dont il n’est pas totalement sûr qu’ils se relèveraient jamais.

Boris Azzedine.