Afrique : la Bizarrerie Française

Ce qui est bizarre et prouve la particularité diabolique de la France en Afrique, c’est que les vicissitudes et les tensions politiques en Afrique n’ont lieu que dans les pays francophones, et ce quasiment depuis les soi-disant indépendances. 

La guerre de Biafra au Nigeria peut distraire de cette tendance effective, car en raison de son impact et de sa gravité, on a le sentiment que les torts sont partagés entre les deux zones anglophones et francophones et qu’il y a autant de calamités de part et d’autre. Mais si le feu de cette guerre n’a pas été allumé par la France, il a été activement alimenté par elle.  Ensuite, il y a eu l’épisode Idi Amin Dada de l’Ouganda, une forme d’autoritarisme ubuesque teinté de patriotisme africain qui a mal fini.

En dehors de ces cas, et hormis les guerres de libération qui ont duré en Afrique australe jusqu’à la l’indépendance de l’Angola et du Mozambique et la fin de l’apartheid politique en Afrique du Sud, l’essentiel des agitations, vicissitudes et violences politiques se déroulent en Afrique francophone, ou impliquent la France ( comme par exemple l’assassinat de Kadhafi) . Au moins depuis les années 90, on n’entend parler que de cette zone lorsqu’il s’agit de violences et de vicissitudes politiques : le Rwanda avec son génocide, dans lequel on ne peut pas dire que la France a les mains propres ; la Centrafrique avec l’épisode ubuesque de Bokassa ; le Bénin avec l’agression du 16 Janvier 1976 dirigé par le français Bob Denart,  le Burkina Faso avec l’assassinat de Thomas Sankara ; la Côte d’Ivoire avec l’éviction de Gbagbo et son remplacement par Ouattara à l’issue d’une guerre fratricide ; les violences et assassinats chroniques au Togo pour une succession héréditaire et une conservation dynastique perpétuelle du pouvoir ; même scénario au Congo démocratique après l’assassinat de Kabila, remplacé par son fils, scénario auquel fait écho la succession relativement récente de Déby Idriss, assassiné et remplacé par son fils au Tchad, sans parler de la succession au Gabon de Bongo père par son fils Ali ; ce même Gabon qui fait parler de lui ces temps-ci par un coup d’État d’opérette dont tout le monde voit qu’il relève des manigances françaises pour faire pièce aux secousses intervenant dans le Sahel.

Coup d’État contrôlé en Guinée, qui ne soulève pas grande indignation de la France ni de la part de sa poupée régionale nommée CEDEAO. Et deux coups d’État au Burkina Faso en moins d’une année, comme au Mali où visiblement, les contrecoups d’État succèdent aux coups d’État contrôlés par la France. Le Niger aussi est entré dans la danse avec les tensions diplomatiques que l’on connaît, la crainte pour la France de perdre sa vache à lait énergétique et une menace de guerre de la CEDEAO pour soi-disant rétablir la démocratie sur fond de sanctions illégales et inhumaines contre le Niger, tout cela n’a pas suffi à affaiblir la détermination des nouveaux dirigeants de ce pays qui ont réussi à mettre fin à la présence militaire française, comme ce fut le cas au Burkina Faso et au Mali.

Et ces jours-ci, on assiste à ce qu’il faut bien appeler au Sénégal un coup d’Etat constitutionnel froidement perpétré par son président le bien fidèle ludion de la France, Macky Sall qui a suspendu sine die les élections présidentielles prévues pour ce mois-ci. Bref, on pourrait dresser un tableau plus dense, plus précis, plus documenté de l’agitation, de la violence et des vicissitudes politiques en Afrique. Mais force est de constater que depuis trois décennies au moins, leur épicentre et leur théâtre de prédilection sont et demeurent la zone francophone.

Alors la question qui vient à l’esprit est : que signifie cette particularité du rapport à la France dans cette zone ? À l’évidence, elle dénote de la persistance du fait colonial français dans ces territoires. Cette volonté est dans la nature du colonialisme français depuis toujours. Un colonialisme très envahissant et qui cache sa domination derrière des concepts anesthésiants comme « assimilation », « Universalité », « Droit de l’homme », « Démocratie » etc. Mais derrière ces vertueuses proclamations se cache l’enfer du racisme anti-noir, le plus virulent et le plus pernicieux qui ait jamais existé, parce que le plus hypocrite ; le pillage des ressources humaines, matérielles, minérales et énergétiques de l’Afrique ; et pour finir, une duperie organisée qui confine à un foutage des gueules noires.

Adenifuja Bolaji