Dans le film « Le Dictateur » de Charlie Chaplin, une scène mémorable donne à voir les personnages d’Adenoid Hynkel et de Benzino Napaloni, des satires d’Adolf Hitler et Benito Mussolini. Cette séquence humoristique les place en compétition pour déterminer qui occupera la place la plus élevée lors d’un dîner, mettant en lumière la symbolique de la position physique comme un moyen de représenter la domination.

Cette utilisation de la disposition spatiale comme outil narratif n’est pas unique au monde du spectacle. En effet, la communication politique et les interactions sociales empruntent la même logique. La psychologie de l’environnement, la communication non verbale, et les arrangements spatiaux sont autant de moyens qui influencent les dynamiques humaines.

Dans ce contexte, l’interview de Monsieur Patrice Talon, le Président béninois, offre une perspective intéressante. L’absence d’objets intermédiaires (pupitre, table) entre lui et ses interlocuteurs et la position basse du siège présidentiel, comparée à celle des journalistes bien plus haute peuvent être interprétées de différentes manières en fonction du contexte et des intentions de la mise en scène.

L’absence d’objets intermédiaires peut s’interpréter comme un acte de revendication démocratique, une volonté de transparence et de lien direct avec le peuple. La disposition basse du siège présidentiel implique le choix d’une posture d’humilité, montrant un dirigeant ouvert et respectueux de l’opinion publique. Elle induit une image de proximité, soulignant le désir de s’adresser directement aux citoyens.

Cette mise en scène peut également être perçue comme une stratégie de communication politique. En apparaissant moins dominant, le dirigeant politique peut chercher à adoucir son image, à établir une connexion émotionnelle avec le public ou à répondre aux préoccupations de transparence.

L’utilisation de la disposition spatiale comme moyen de communication dépasse le cadre du spectacle pour influencer la vie sociale et politique. C’est une stratégie subtile mais puissante qui façonne la perception du public et renforce les messages véhiculés, que ce soit dans un film satirique ou au cours d’une interview politique.

La mise en scène de Charlie Chaplin visait à caricaturer l’obsession de domination des dictateurs. Cependant, dans sa communication, Talon opte pour une disposition inverse. Si la proximité avec le peuple, l’écoute du peuple et le respect du peuple étaient les vertus dominantes de son style de gouvernance, pourquoi se mettre en peine de les mettre en scène ? À moins que cette disposition ne soit le fruit du hasard, ce qui témoignerait alors d’un impensé médiatique désobligeant ou du goût d’une prise de risque. La manière dont un leader se positionne physiquement dans un contexte médiatique peut être perçue comme un élément révélateur de ses intentions et de son style de leadership, dans un rapport de vérité ou de son travestissement.

Adenifuja Bolaji