Afrique : la Part des Choses

Notre responsabilité, hier et aujourd’hui

La  plupart des Africains, candides, passionnés ou bercés par l’idéologie rendent responsables les autres, notamment les Blancs, l’Occident de notre malheur.

Mais pour dire les choses telles qu’elles sont et non moins brutalement, il n’y a rien de plus faux. En réalité, à 90% nous sommes responsables de notre propre malheur. Les Blancs n’y interviennent qu’à hauteur de 10%

Avant la traite négrière

Déjà les conditions d’infériorité technologiques et militaires qu’exploitèrent les Blancs pour s’imposer à nous dans les 15èmes siècles et suivants ne sont pas de leur fait, mais de notre propre fait. Les sociétés de tradition orale que nous étions n’ayant pas bénéficié de la technologie de l’intellect qu’est l’écriture dont la diffusion est parvenue difficilement jusqu’à nous. D’une manière générale, séparés par le corridor  climatique du Sahara, nous n’avons pas profité de la diffusion des technologies qui circulaient de l’Asie vers l’Europe et inversement. A notre corps défendant, nous avons vécu durant des siècles dans une autarcie technologique préjudiciable. C’est de ça qu’ont profité les civilisations du Livre pour nous saigner et dominer : d’abord  les Arabo-musulmans qui pratiquèrent sur les peuples Noirs d’Afrique un esclavage barbare et bestial pendant plus d’un millénaire ; ensuite les Euro-judéo-chrétiens qui nous mirent dans les fers de la traite négrière.

 La période de la traite négrière

La traite négrière perpétrée par les Blancs pendant plus de quatre siècles n’est que la continuation, la récupération, l’industrialisation et l’internationalisation de l’esclavage  que pratiquaient les Africains eux-mêmes sur leurs populations. Quand nos rois et roitelets ont été séduits par les pacotilles contre lesquelles ils échangeaient les populations captives, ils se sont lancés à corps perdu dans des guerres spécialisées dont le but était de capturer cette monnaie d’échange qu’est l’esclave. Le Blanc en leur fournissant les armes, en exploitant les divisions au sein des royaumes, n’a fait que mettre en place les techniques du fonctionnement politique de l’esclavage.

Après la traite négrière, la conquête coloniale

Après la fin de l’esclavage due à la révolution industrielle et à la guerre de sécession en Amérique, le colonialisme en Afrique apparaît comme une chasse territoriale pour les Blancs. Mais les chiens de chasse étaient des Africains. C’est avec des Sénégalais, ancêtres des tirailleurs, que la France combattait contre les royaumes africains qui résistaient au colonialisme, après avoir joué le jeu de la traite négrière. N’eût-été la disponibilité de ces supplétifs africains, utilisés par les Européens, tous autant qu’ils étaient, la tâche de la colonisation n’aurait pas été facile. Il y avait aussi la technique déjà évoquée plus haut de diviser pour régner. Dans un nombre impressionnant de cas, les Européens ont semé les graines  de la division politique parmi les royaumes voisins et dans les royaumes, et ces graines ont germé et poussé de façon inespérée. Les Africains ont donné dans le panneau. On connaît le cas célèbre de Toffa contre Béhanzin au Dahomey, mais aussi celui non moins célèbre de  Kosoko contre Akitoye à Lagos bref, cette technique de division politique et donc de collaboration avec les Blancs pour nous  dominer était légion durant le processus de colonisation, et les Africains, cédant à la haine de soi,  ont donné volontiers dans le panneau.

Après la colonisation : l’indépendance et le néocolonialisme

Après ce qu’ils ont appelé indépendance, où les Blancs, persuadés que nous étions inférieurs et ne méritions pas les richesses qu’il y avait sur et sous nos sols, ont continué à y faire main basse, qui les a aidés dans leur pillage et accaparement des richesses africaines sinon l’élite africaine elle-même ? Les assassinats qu’ils commanditèrent pour éliminer nos vaillants dirigeants,  qui les exécutèrent sinon les Africains eux-mêmes ? Ces conflits se donnaient des dehors politiques passionnés, mais en vérité ils n’étaient que le masque du parti-pris pilleur de l’Occident, parti-pris enté sur le racisme anti-noir, l’idée que le Noir est un sous-homme, né pour être dominé par le Blanc, qu’il ne méritait pas les richesses de son sol et de son sous-sol, le fait qu’il était corvéable et manipulable à merci, comme un chien. Qui a tué le Grand Panafricaniste Patrice Lumumba, sinon le petit africain Mobutu ? Qui a tué le Grand Panafricaniste Sylvanus Olympio sinon le petit africain Gnassingbé Eyadema ? Qui a tué le Grand Panafricaniste Thomas Sankara, sinon le petit africain Blaise Compaoré ? Qui a détrôné le Grand Panafricaniste Laurent Gbagbo avec l’aide des Blancs, sinon le petit mercenaire africain Ouattara ? Qui a éliminé le Grand Panafricaniste Pascal Lissouba sinon le petit africain Denis Sassou N’guesso ? Et la liste est longue de ces crimes commis par les Africains au profit des Occidentaux….

La haine de soi ordinaire du Noir

Et puis il y a le niveau personnel, psychologique et psychosocial de la haine de soi parmi les Africains, haine de soi qui est renforcée par le regard raciste du Blanc à notre égard, regard que dans un  schéma peau-noir-masque-blanc, le Noir prend à sa charge et assume à son insu. Souvent beaucoup de Noirs méprisent le  Noir inconsciemment sans s’en rendre compte ; beaucoup reconduisent la supériorité implicite du Blanc sur le Noir propagée par le Blanc à leur insu. En Occident, les Noirs qui y habitent, notamment les Africains, inconsciemment agissent et pensent comme si les choses sérieuses, la réalité ne commencent que lorsque le Blanc apparaît. Nous reconduisons l’ordre raciste du Blanc à notre détriment.

Quelques exemples de mon expérience personnelle en Afrique et en Europe.

Au Bénin, je faisais la queue au guichet d’une banque, j’étais le deuxième. Un blanc apparaît, il devait être le sixième ou le septième. Instinctivement, toutes affaires cessantes, la guichetière, laisse les autres clients et se met à la disposition du blanc avec force sourire et amabilité, le sert sans autres formes de procès — en somme tout le contraire de ce que font les Blancs en Europe vis à vis des Noirs. En Europe, tous les moyens, occasions et subterfuges sont bons pour servir le Noir en dernier, l’ignorer, le mettre en souffrance. En France, quand vous êtes Noir et vous entrez dans un grand magasin où le vigile, comme souvent est Noir, lorsque vous arrivez aux caisses, le vigile, laissant tous les autres clients, se pointe devant votre fil et se met à vous surveiller, dans l’espoir de  réaliser son exploit de la journée consistant à attraper un voleur. Pendant ce temps, les autres clients blancs qui sont considérés comme normaux ne sont pas inquiétés, et tout respect leur est dû, avec force courbettes et des « Merci Monsieur !» et des « Au revoir Madame! » ruisselants de servilité.

Chez moi, à Paris, dans  l’immeuble où j’habite, la propreté est assurée par des sociétés de nettoyage dont les employés arrivent deux fois par semaine. Longtemps, ce furent des Blancs originaires d’Afrique du Nord ou de l’Europe de l’est. Ceux-ci vous saluaient, vous ouvraient les portes, vous souriaient, poliment, etc. Arrive récemment un Noir, genre Peul Malien ou Guinéen, un type long et mince. Il a l’air taciturne, ne cherche pas à vous regarder, ne salue jamais et affiche une indifférence et une froideur sombres qui confinent à une forme de défiance sourde. Attitude d’autant plus risible et paradoxale que, soit dit en passant, en tant que copropriétaire, je fais partie de ceux qui font vivre la société qui le fait vivre. Mais en tant qu’Africain, je trouvais des circonstances atténuantes à son attitude, la mettant au compte d’une forme de timidité. Jusqu’au jour où je le surpris en train d’échanger fièrement et gaiement avec un voisin arabe du rez-de-chaussée – voisin qui se trouve être un ami personnel.  Mon homme échangeait avec l’Arabe avec cette fierté que  l’on ressent chez nombre d’Africains lorsqu’ils sont fourrés avec les Blancs. Je n’en revenais pas. Ce type que je tenais pour un timide, en fait, savait parler, savait échanger. Je mis cette exception au compte de leur religion commune, l’islam, qui le disposait à se sentir proche. Une justification que je savais spécieuse, mais qui avait le mérite de voiler notre face commune d’Africains. Quelque temps après, avec mon fils d’une vingtaine d’années, je faisais une compétition ascenseur/escalier. Du quatrième étage où nous habitons, nous nous élançâmes vers le rez-de-chaussée, lui par l’ascenseur et moi par l’escalier. D’habitude, à ce jeu-là je battais mon fils, mais cette fois-ci avec un genou dans les choux, je ne forçai pas la note et mon fils était déjà en bas avant moi. Au moment où je sortais de l’escalier, je vis le nettoyeur qui saluait mon fils avec grand sourire. A ma vue, surpris de réaliser que c’était mon fils, il rentra à nouveau en lui-même, comme un chien dans sa niche. Je vois d’ici le lecteur qui a de la suite dans les idées réagir en disant que si le bonhomme a salué mon fils, c’est que son attitude envers moi n’était pas dictée par la haine de soi. Mais je dois préciser que mon fils est un métis dont les traits asiatiques de sa mère sont dominants.

Ces exemples de la haine de soi des Noirs abondent. On peut leur donner des interprétations subjectives variables, mais leur nombre et leur répétition plaident en faveur de leur réalité.

Conclusion

Tout ça pour dire que, collectivement, individuellement, socialement, sociologiquement, anthropologiquement et historiquement parlant, le Noir est responsable de son malheur à 90%. Et les autres, notamment le Blanc n’interviennent que pour 10% ! 10% qui certes changent la donne complètement. Et pour s’en sortir aujourd’hui, il est nécessaire d’être conscient de cette responsabilité, de l’assumer pour changer la face obscure des choses.

Adenifuja Bolaji