Afrique, la France et l’option des 3D : Décapiter, Déstabiliser, Déconcerter

Dans sa chronique du 28 septembre dernier le facétieux activiste Franklin Nyamsi a bien analysé l’option que l’impérialisme occidental est acculé à faire dans sa lutte réactionnaire contre  l’Afrique en quête de souveraineté et de liberté.

Certes, l’option n’est pas nouvelle. Elle est à la fois la plus violente et la plus cynique qu’ils mènent contre l’Afrique depuis des décennies. On sait que, après ce qu’ils ont appelé indépendance, la France qui est la championne d’un refus frontal de libérer l’Afrique, n’a de cesse d’user de mesures retorses pour maintenir l’Afrique dans les fers de l’esclavage, le pillage, le viol et le vol non-stop. Cette attitude française est inspirée par le racisme, car ce que la France fait aux Noirs, elle ne peut le faire aux Arabes ni aux Vietnamiens qui ont été pourtant tout aussi colonisés par elle.

  1.  Elle a d’abord commencé par imposer sa langue aux Noirs, ce qu’elle ne peut faire aux Arabes ni aux Vietnamiens
  2.  Elle a imposé sa monnaie – une monnaie d’esclavage – aux Noirs, ce qu’elle ne peut faire ni  aux Arabes ni aux Vietnamiens
  3. Elle a signé avec les États colonisés d’Afrique noire un accord de décolonisation, qui maintient ceux-ci sous sa coupe néocoloniale, ce qu’elle ne peut faire ni avec les Arabes ni avec les Vietnamiens

La France se met dans une logique de perpétuation de systèmes qu’elle a mis en place et qui marchent. Ainsi, en Côte d’Ivoire, après quelques péripéties intermédiaires, un dictateur qu’elle a labellisé sage a été remplacé à coup de guerre et de violence par un mercenaire burkinabè sans foi ni loi, dictateur et tueur en série. Le premier – dans sa sagesse néocoloniale – a tué Sankara, un héros africain ; le second, qui a déjà tué des prétendants à son trône, cherche à tuer le digne successeur de Sankara, Ibrahim Traoré, et son frère et confrère du Mali, Assimi Goïta. Dans les deux cas, Dieu merci, l’aventure a tourné en eau de boudin, et ses hommes de mains appréhendés..

Et dans le cas de la Cote d’Ivoire, l’option est de répéter ce genre de captation de pouvoir, y compris au besoin par la force et la guerre, afin d’éliminer tout empêcheur comme Gbagbo de néocoloniser en rond.

Dans d’autres pays, la succession héréditaire directe – du père par le fils —  est un mode politiquement économique, naturalisé et imposé aux peuples – des choses qui encore une fois malheureusement ne sont pensables et possibles qu’en Afrique noire. Il faut dire que dans tous les pays francophones dominés par la France, même ceux qui se disent bruyamment et pince sans rire démocratiques, les peuples sont mis hors jeu. Ils n’ont pas leur mot à dire dans la vie politique. C’est à ce prix et à ce prix seulement que la démocratie-théâtre peut se mettre en scène, à coups d’instrumentalisation des institutions, d’achats de conscience, de fraudes électorales,  et de répression plus ou moins sanglantes, le cas échéant.

La succession héréditaire a marché au Gabon et au Togo. Dans d’autres contextes, lorsque le besoin s’impose, le père est assassiné et remplacé par un faux fils. Tel a été le cas en RDC ou J. D. Kabila a été assassiné et remplacé par un jeune Rwandais adoptif présenté comme son fils, alors qu’il n’en était qu’un faux ! Le même scénario a été utilisé au Tchad, où Idris Déby mort dans des conditions pour le moins troubles a été aussi opportunément et habilement remplacé par un faux fils adoptif. Rien que la similitude frappante avec le cas congolais laisse penser qu’au Tchad, Idriss Déby a été assassiné et remplacé sur le même modèle incestueux que Kabila.

Dans d’autres options, la France a recours a des assassinats sans solution familiale de rechange. Il s’agit d’éliminer l’empêcheur de néocoloniser en rond, de décapiter un régime qui gène, un régime qui ambitionne de libérer les Africains. Pointé du doigt, on intrigue pour le faire assassiner, de préférence par un de ses camarades. Ce qui jette le trouble dans l’esprit du peuple abattu. Tel est le cas de Sankara, lâchement assassiné par son camarade Blaise Compaoré.

Une fois l’assassinat perpétré, le nouveau dirigeant docile à la France, se met à la tête du pays en faisant mine de respecter l’œuvre révolutionnaire entreprise par sa victime. Mais c’est une apparence trompeuse qui ne dure que le temps du deuil, et le peuple ne tardera pas à revenir de ses illusions. Après quoi le servile abat ses cartes et montre son vrai visage de traitre et de vendu, mais aussi de dictateur sanguinaire doublé de kleptocrate au service de la France et de ses intérêts. Tel a été le cas au Burkina Faso mais aussi au Togo, avec l’assassinat de Sylvanus Olympio.

C’est avec ces formules bien rôdées que la France gère sa basse cour néocoloniale où, et les peuples et les dirigeants serviles sont considérés et traités comme des sous-hommes. Et comme ces recettes marchent, la France se met dans la logique de les reconduire là où et si nécessaire. Ses diplomates sur le terrain, à coup de promesses mirobolantes, de caisses de champagnes ou de vins luxueux, font un travail de capture et de séduction dans tout l’espace francophone et même du côté du Ghana et du Nigeria, pour les amadouer, les prédisposer à son jeu de domination (Ainsi, Obasanjo, Jonathan et maintenant Tinubu ont été flattés par ces bienveillances diplomatiques pour Nègres. Sauf Buhari, y a résisté) Même chose avec le singe Akufo-Ado du Ghana qui, entre deux beaux discours sur l’insoutenable condition africaine, a le temps de convoler en  honteuses noces avec la France et Ouattara.

Nous en étions là, lorsque, éveillée au Mali, et répandue dans la plus grande partie du Sahel, la conscience des manigances sordides de la France a soulevé le vent de la révolution de souveraineté radicale des Africains. Soufflant du Mali, ce vent menace d’atteindre la Côte, d’où la nervosité des Ouattara, Talon et autre Macky. Cette menace légitime, inquiétante et apparemment inexorable pose un problème technique et éthique à la France. Forcée de quitter le Mali, le Burkina Faso et maintenant le Niger, la France ne sait plus où mettre ses cliques et ses claques militaires : elle devient un Jean sans terre, et un SDF basique !

Aussi, dans le désespoir,  se voit-elle obligée de faire recours aux vieilles méthodes éculées : celle de l’assassinat des leaders. Décapiter les mouvements révolutionnaires en cours en Afrique est son option choisie. Les décapiter pour déstabiliser le pays, déconcerter les peuples, et enrayer le mouvement dans sa montée en puissance. Comme le montre l’assassinat de Sankara, qui lui a permis un répit d’une vingtaine d’années, elle espère gagner du temps. Elle ne compte plus sur une formule unique pérenne. Au cas par cas, elle compte gagner du temps, à coup d’assassinat, de coups d’état militaires ou constitutionnels, de guerres civiles.

Mais ce qu’elle oublie, c’est que contrairement au temps des Sankara et des Olympio, les peuples maintenant  aguerris et informés, font bloc derrière leurs leaders et restent vigilants, parce qu’ils savent qu’il y va de leur destin : ou bien les jeunes seront condamnés à aller mourir dans la Méditerranée ou bien ils se libéreront définitivement de la mainmise française qui a trop duré. Et  tous en sont conscients.

Décision désespérée et cynique, l’option des 3D ne sera pas facile. La France a intérêt à venir à résipiscence. Condamné par l’histoire, son combat est perdu d’avance.

Adenifuja Bolaji