Servir et Sévir : le Deal de la Servilité dans les Dominions Françafricains

La condition à laquelle un président de la République de la Françafrique peut réprimer son propre peuple sans merci, c’est d’obéir les yeux fermés à toute demande de la France, d’être corps et âme à son service, sans l’ombre de la moindre réserve, en toute complicité servile. Bref, jouer les gentils toutous bien dressés.

Les Présidents sinon les pays dont les présidents sont réputés satisfaire ces conditions reptiliennes sont la Côte d’Ivoire des Houphouët hier et des Ouattara aujourd’hui, le Sénégal des Senghor hier et des Macky Sall aujourd’hui, le Togo et le Gabon  des Gnassingbé et des Bongo, depuis plus d’un demi-siècle, pour ne citer que ces pays phares du système esclavagiste de la Françafrique.

Quels que soient les crimes contre leurs peuples – et en dehors de Senghor plus occupé à faire des poèmes sans suite sur la beauté de la femme Nègre qu’à réprimer les Sénégalais, et de Houphouët plus occupé à assassiner ses pairs résistants et à construire des cathédrales qu’à mater ses propres concitoyens, encore que certains opposants comme Gbgabo ne seront pas du même avis – la plupart des Présidents cités ont eu souvent la main lourde en matière de répression de leur peuple. Et quels que soient les crimes qu’ils commettaient, côté français voire occidental, c’est ni vu ni connu. Même les crimes les plus odieux comme décapiter un opposant au troisième mandat de Ouattara et jouer au foot avec sa tête en pleine rue : il n’y eut pas de quoi émouvoir les âmes de la «communauté internationale », si souvent remontés contre la dictature supposée des Gbagbo ou des Sankara.

C’est dire que tout est permis à ces présidents, dès lors qu’ils obéissent à la France, comme un chien  de chasse à son maître. Et l’une des questions les plus lancinantes est de savoir pourquoi le président d’un pays qui se dit souverain a besoin du blanc seing de l’extérieur avant de réprimer son peuple ? Pourquoi en cette matière c’est l’avis des occidentaux qui fait autorité : si vous êtes en accord avec l’occident et lui obéissez sans broncher vos crimes contre votre peuple, quels qu’ils soient n’existent pas ; si vous résistez contre l’occident, alors, ces mêmes crimes existent et même des crimes imaginaires vous sont collés sur le dos, montés en épingle

Le corollaire de cette logique pour ne pas dire sa condition est qu’à la tête de la plupart des pays francophones, la France choisit, autant que faire se peut, de placer un président ethniquement ou nationalement minoritaire, souvent ultra minoritaire. Car seule un minoritaire peut affamer et réprimer sauvagement la majorité sans avoir honte ou peur de se regarder dans le miroir de l’ethnie ou de la nation à laquelle il appartient. Mais dès lors que vous êtes soutenu par la France pour laquelle vous bossez, vous pouvez, même minoritaire, réprimer votre peuple, vos concitoyens sans états d’âme et sans crainte. Car votre répression ne sera jamais reconnue comme telle par la France et l’Occident qui malheureusement sont les seuls diseurs de vérité sur nos situations. S’il pleut au Sénégal et que la France dit qu’il ne pleut pas alors le monde entier saura qu’il ne pleut pas au Sénégal, et il en sera ainsi, et même les Sénégalais eux aussi devront en convenir. C’est dans cette logique et pour cette basse œuvre que maints présidents sont minoritaires. Tel est le cas des Senghor (chrétien dans un pays majoritairement musulman), de Houphouet (présumé ghanéen d’origine),  de François Tombalbaye (chrétien dans un Tchad musulman) de Ouattara ( Burkinabè), d’Hubert Maga du Bénin( Burkinabè de père), Maky Sall (peulh), etc…

Toutefois cette logique du président minoritaire choisi pour faire le sale boulot entre en défaut avec le cas de M. Talon du Bénin. Malgré son nom d’origine française, M. Talon est entièrement d’ethnie Fon, l’ethnie majoritaire du Bénin. En dépit de cette situation, et contrairement à son prédécesseur qui pour le coup n’était pas un exemple de président ethniquement majoritaire, il n’hésite pas depuis 2016, à réprimer, à mater,  sans reculer devant les morts.

La Raison ? Elle est multiple.  D’abord, le Bénin n’est pas un pays d’intérêt juteux pour la Françafrique . Même le pétrole qui y a été découvert est vite passé à la trappe mystérieusement, blackboulé par des maffias limitrophes en complicité avec des comparses Béninois rapaces, soustrait au bien commun. D’autre part, il y a dans la présidence de Talon, un intérêt plus personnel qu’idéologique ou politique. La raison essentielle de son accession au pouvoir présidentiel est de consolider et développer ses affaires, d’assurer leur pérennité, de les sanctuariser.  Ce souci érigé en obsession devient un point de vulnérabilité et sans jeu de mot un talon d’Achille. Ne pas obéir à la France c’est courir le risque de voir ses affaires menacées, s’effondrer, être démantelées, dans un contexte national où on ne peut pas dire qu’il n’a que des amis. C’est donc pour sauver ses affaires que Talon est prêt à se mettre à dos tout le pays, dès lors qu’il est à cet effet soutenu par la France. On comprend alors son obéissance et son zèle dans la crise actuelle du Niger où il n’hésite pas à placer ses intérêts personnels avant ceux du pays, et l’intérêt de la France avant ceux de l’Afrique.

Aminou Balogun