
La compagnie aérienne française au nom historiquement douteux de Corsair ouvre une ligne Paris Cotonou et, dans le pays de Béhanzin, c’est le branle-bas, la joie paysanne, l’euphorie politico-médiatique – main stream et réseaux sociaux confondus. La chose prend l’allure d’un événement national d’envergure. Après les monuments kitch érigés zogbé zogbé, et la remise d’un chouïa des œuvres pillées au Danhomè par les Français, M. Talon, qui aime les Hôtels et le tourisme, devrait trouver là une nouvelle corde à son arc. De fait, le lancement d’une fusée par l’Agence Spatiale Béninoise — pour autant qu’elle existât — n’aurait pas fait plus de bruit.
Or donc, dans les pays qui s’appartiennent et où les coqs chantent comme des coqs, et les chiens aboient comme des chiens, cet événement, loin d’être tenu pour national et faire l’objet de tant de tintouin, reste à sa juste mesure, celle d’un événement commercial d’une banalité proverbiale. Le gouvernement reste digne.
Mais au Bénin révélé, c’est le signe d’un progrès monumental qu’une compagnie aérienne française de charter décide d’ouvrir une ligne Paris Cotonou.
C’est Coluche – un Français, tout sauf un corsaire – qui, au plus fort de la famine qui frappa l’Éthiopie dans les années 80, demande dans un de ses sketchs à l’humour noir, « Que fait un Éthiopien qui trouve un grain de blé ? » ; et la réponse, cruelle est : « Il ouvre un supermarché ! ». L’humour à ses lois que la morale ignore, mais à force de faire tant de bruits pour rien ou presque parce que la capitale de notre pays est raccordée à la France par une compagnie charter, nous risquons de faire la risée du monde avec ou sans Coluche. Et, bientôt, si on n’y prend garde – par un graissage de patte appropriée des acteurs médiatiques et politiques – un Libanais désireux d’ouvrir une boutique de vente de tissu à Cotonou ferait faire autant de bruit que mille corsaires réunis…!
Aminou Balogun
