
Souvent on entend des personnes africaines de bonne volonté s’indigner de voir la jeunesse Africaine mourir dans la Méditerranée. « Quel scandale, disent-ils l’air bienpensant, on ne doit pas laisser notre jeunesse mourir dans la Méditerranée !»
A les comprendre, le scandale c’est que la jeunesse africaine, en quête d’une vie meilleure meure dans le ventre de la Méditerranée. Mais le scandale n’est pas d’avoir intériorisé que la marque déposée de cette vie meilleure est hors de l’Afrique, partout ailleurs et surtout en Occident ; le scandale n’est pas non plus que cette jeunesse parvienne à trouver des moyens financiers pour se payer ces traversées de rêve potentiellement grosses de tragédie, alors qu’ils eussent pu, ces moyens, avec un peu de bonne volonté et de travail, permettre une vie correcte en Afrique.
Si cette jeunesse africaine fascinée n’échouait pas corps et âme dans les profondeurs de la Méditerranée, il n’y aurait pas scandale ? Par exemple si des pays riches dans un élan d’humanisme placé sous le signe du mondialisme construisaient un pont sur la Méditerranée qu’emprunterait la jeunesse africaine pour rejoindre l’Europe, lui évitant ainsi la traversée marine fatale, il n’y aurait plus de scandale donc!
Cette indignation est légitime à première vue, mais dans la mesure où son objectif est de ne plus voir la jeunesse africaine mourir dans la Méditerranée, et qu’elle se suffise de cela, elle trahit une troublante résignation qui fausse l’appréciation du scandale, son objet véritable. Le sage montre la lune dit l’adage, et l’idiot regarde l’index. En effet, les naufrages des jeunes Africains dans la Méditerranée, aussi triste et tragique soient-ils ne sont que le petit bout accidentel d’une iceberg d’anomalies normalisées, d’injustices structurées, et de violence naturalisée qui caractérise les rapports coloniaux imposés à l’Afrique par l’Occident depuis plusieurs siècles ; ces rapports politiques, varient peut-être dans la forme avec le temps mais ils restent permanents dans leur fond raciste, et leurs visées spoliatrices et pilleuses implacables.
C’est dire que le vrai scandale n’est pas les naufrages récurrents de la jeunesse dans le ventre de la Méditerranée mais ce dont ces naufrages sont le signe : la solitude africaine face au parti-pris prédateur du vaste monde, l’Occident en tête, mais surtout l’irresponsabilité inénarrable des gouvernants africains, leurs pathétiques simagrées, l’absurdité de leur posture et de leur rôle de continuateurs locaux et de masque honteux de la mainmise occidentale sur les ressources humaines et matérielles d’une Afrique dépossédée d’elle-même et privée d’espérance humaine.
Aminou Balogun
