La famille des artistes béninois est en deuil. Un grand nom de la musique traditionnelle vient de s’éteindre. L’artiste Michel Akodjènou alias Amikpon a rendu l’âme dans la soirée de ce jeudi 03 Mai 2018, à Porto-Novo, au centre hospitalier départemental de l’Ouémé. Il est décédé dans sa 68ème année des suites d’un malaise. Sa disparition crée un grand vide dans la communauté des artistes du Bénin et surtout au sein de ceux du département de l’Ouémé.
Voici une Image furtive d’Amikpon tirée d’un document de SONORAMA ( Sud du Bénin) en 2000
« Nous nous égarons sur les chemins de terre rouge, pour la deuxième fois, à la recherche d’un quartier en périphérie de Porto-Novo. Depuis que nous sommes sortis de la voie principale, les maisons sont plus rares. Les terrains en friche s’étirent. Les taxi-moto se poursuivent et nous rebondissons au ralenti, suspendus au-dessus du chemin.
Après plusieurs sommations de sa femme, Amikpon se tire enfin hors de la chambre pour nous dire avec une moue d’enfant désolé : « il y a eu un concert géant hier au stade, j’ai joué un peu ». Lui, ensommeillé, visage démonté, air hagard et nous, vacillants, à peine rassemblés de notre chevauchée mécanique. Le rendez-vous est remis à l’après-midi. Nous traînons jusqu’à la voie, écrasés par notre soudaine lenteur.
L’après-midi, Amikpon a disparu. Ses enfants jouent dans la cour. Soudain, une moto pétaradante termine sa trajectoire par un dérapage démonstratif. « Amikpon, le Capitaine de la Capitale » entre enfin en piste, silhouette élastique et désinvolte, chaîne en or sur un t-shirt, à l’image d’un rappeur superstar. La quarantaine, un air adolescent, il joue un personnage de caïd qu’il désamorce sans cesse par des éclats de rire. Nous nous installons dans une pièce en chantier après avoir chassé poules et pigeons.
Pour les musiciens que nous avons rencontrés jusque-là, il était aussi important de revendiquer la préservation d’une tradition que de s’en démarquer, par leur aptitude à réinventer les musiques. Préservation et modernisation constituant les deux faces d’un même travail. Amikpon, lui, se défend de reprendre quoi que ce soit.
Musique, instruments, chants, et même les rythmes seraient de pures inventions. Au cours de la discussion, nous comprenons tout de même l’importance d’une culture musicale transmise par sa mère. Mais la démarche d’Amikpon, naturellement transgressive, est peu soucieuse d’entretenir une quelconque tradition ou de se cantonner à certains instruments. A la fin de l’entretien Amikpon joue un morceau d’harmonica en démonstration de la grande étendue de son talent. Et une fois de plus son inventivité nous surprend. »
Le décès de ce grand artiste génial et facétieux au talent multiple est une grande perte pour la créativité musicale béninoise. Que la terre lui soit légère, et que ses œuvres continuent de nous égayer tout en nous rappelant qui nous sommes.
Agada Balampo