Le Penis Captivus ou l’Afrique et la Pensée Magique

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beatriceA Johannesburg, une femme adultère et son amant sont pris au piège pendant l’acte sexuel. Ils ne peuvent plus se séparer alors que la scène se passe dans le lit conjugal. Voilà qui suscite un tollé monstre et un déluge de délires et de croyances d’un autre âge.

Pas étonnant : en  Afrique, bien des phénomènes actuellement reconnus ailleurs comme scientifiques, restent perçus et tenus pour relevant des forces occultes ou de pouvoirs magiques. Il est vrai que la propension d’une collectivité humaine à faire recours à des explications irrationnelles est fonction inverse du stock de ses acquis rationnels dans les phénomènes de la nature. Exemple, pendant longtemps, les êtres humains de partout ont perçu le tonnerre comme la manifestation de la colère d’un dieu, le dieu de la foudre. Maintenant, même si dans certaines contrées du monde, certains peuples continuent d’entretenir cette croyance à travers le culte du dieu de la foudre, qui est partie intégrante de leur Panthéon et de leur culture, la science ouverte sait que la foudre est une décharge électrique se produisant entre deux nuages ou entre un nuage et le sol. En tant que phénomène naturel de décharge, la foudre relève de l’électrostatique.

Malheureusement en Afrique, malgré les lumières de la science, les perceptions sont souvent plus portées vers une approche irrationnelle des choses que son contraire qui pourtant régit la vie pratique et rend raison de tout ce que nous sommes et faisons dans ce monde moderne.
Il semble qu’au-delà des nostalgies culturellement déterminées, la propension à l’irrationnel qui a la faveur des esprits et de la mentalité africains paie aussi un lourd tribut aux retards économiques. Le manque d’infrastructures, la rareté des structures adéquates dans chaque domaine de la vie sociale justifie le recours à des explications spontanées qui constituent pour les sociétés arriérées ce que l’explication scientifique est pour les sociétés avancées.
L’illustration de cet irrationalisme populaire qui a la faveur des foules en Afrique est donnée par ce fait divers d’un penis captivus intervenu à Yoeville, un quartier de Johannesburg en Afrique du Sud. Une femme adultère et son amant victimes d’un penis captivus dans le lit du mari trompé. Ils crient au secours ; les voisins interviennent, on défonce les portes et on trouve les deux amants coincés l’un dans l’autre. L’une de leur voisine qui a donné l’alerte explique : « Au début, nous croyions que c’étaient seulement des gémissements érotiques, mais très vite, il est apparu que c’étaient des cris de secours ». C’est alors que les agents de sécurité sont appelés à la rescousse, ainsi que l’urgence médicale. Très vite, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre et tout autour de la résidence des pauvres victimes, des milliers de curieux et de badauds se sont attroupés mourant d’envie de voir de leurs yeux cette chose qui pour la plupart n’avait été jusque-là qu’un mythe.
Il a fallu l’intervention de la police pour calmer les ardeurs d’une foule excitée, et parvenir tant bien que mal à transférer les amants vers un lieu hospitalier adéquat et moins indiscret.
Pendant ce temps, chacun y allait de son explication du phénomène. La dimension morale supposée par le fait de l’adultère n’a fait qu’enflammer les réquisitoires d’une justice populaire spontanée. Un membre de la famille du mari trompé a fait état des plaintes récurrentes de celui-ci, que sa femme le trompait ainsi que des nombreuses mises en garde adressées à son épouse.
« Il se plaignait qu’elle le trompait avec son ami a dit le témoin, une femme de 34 ans, je pense qu’il l’a piégée pour attraper son amant. »
Au Zimbabwe d’où ils sont originaires, a dit la femme, c’est ainsi qu’on piège les gens coupables d’adultère. À l’en croire, personne ne peut les séparer tant que son mari–actuellement en voyage au Zimbabwe–n’est pas de retour et décide par son grigri de les libérer. Un autre Zimbabwéen qui a parlé au journal Sun qui rapporte l’événement a confirmé que piéger une femme avec un grigri nommé «muthi » est une façon bien connue au Zimbabwe pour punir les femmes adultères.

On voit que dans la conscience populaire, l’événement s’explique à la fois de façon occulte et morale. Le mari trompé aurait posé un grigri sur le sexe de sa femme qui a causé le penis captivus . Et ceci est une manière de justice et de punition à l’égard de la femme adultère.
Or selon la science, l’explication rationnelle du penis captivus qui elle-même a traversé les siècles de fantasmes et de mythes, est pourtant bien simple.

Le penis captivus désigne l’impossibilité pour l’homme de retirer son sexe du vagin de sa partenaire durant un rapport. Le pénis est alors retenu par une puissante contraction des muscles du vagin de la femme (une forme de vaginisme), empêchant tout retrait et maintenant l’érection. Si cet incident est fréquent chez le chien, à cause de la turgescence de sa verge en « bouchon de champagne » après l’intromission, il reste anecdotique chez l’homme. Un seul cas de penis captivus a été reporté à ce jour, dans une lettre au British Medical Journal datée de 1980, évoquant un cas non publié de 1947. La libération du pénis peut être obtenue grâce à la pratique d’un toucher rectal sur la femme, ou par l’injection d’un myorelaxant. (Wikipédia)
Malgré tout, on peut se demander pourquoi ce phénomène si rare intervient dans un acte illégitime perpétré par une femme mariée et son amant au domicile conjugal ? Cette coïncidence terrible corrobore l’aspect éthique d’une vengeance occulte du mari qui est au principe de l’explication irrationnelle, et vient à l’appui de sa crédibilité. Mais là aussi, l’aspect psychologique doit être pris en compte. Pour cela il faut déjà considérer l’environnement mental et culturel et les croyances qui le constituent. Une femme qui s’entend sans cesse répéter autour d’elle et par son mari qui la menace de la piéger par le «muthi » finit par y croire et préparer à son corps défendant son corps à entrer dans le mécanisme anatomique du penis captivus. Il faut savoir que ce mécanisme est enclenché par la contraction du muscle releveur de l’anus de la femme. Et cette contraction peut être déclenchée par le stress lié à la culpabilité non seulement de tromper son mari mais surtout dans des conditions qui ne font qu’accroître le stress.
Or dans l’excitation fantasmatique de la foule de Johannesburg, toutes ces considérations scientifiques et psychologiques sont mises de côté parce que souvent inconnues de la multitude plus prompte à invoquer les pouvoirs magiques ou des phénomènes occultes dont l’évidence douteuse est transmise de génération en génération depuis la nuit des temps.
Ce choix  de l’explication irrationnelle des phénomènes qui a la faveur des foules en Afrique est à rapprocher des phénomènes de vindicte populaire où un tribunal spontané s’érige pour infliger une peine souvent cruelle et mortelle à un présumé coupable. Dans l’un ou l’autre des cas la perception irrationnelle de la causalité substitue le jugement sommaire à la rationalité légale et épistémologique.
Il est temps que l’Afrique fasse sienne la lumière de la science et ne prenne pas seulement en elle ce qu’elle veut ou ses objets techniques–comme le téléphone, la voiture ou la télévision–dont elle raffole. La science est un tout et pour qu’une collectivité humaine se libère elle doit abandonner ses vieilles lunes pour embrasser sa lumière dans sa radicalité.

Beatrice Gbetey

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Un commentaire

  1. Dame Mougni Zounnon née Akohdé, 35 ans environ, a été mortellement atteinte par des décharges électriques mercredi dans l’après-midi dans le village de Bossa, arrondissement de Dasso (Ouinhi), sous une fine pluie.

    Les faits macabres se sont produits aux environs de 16 h lorsque le tonnerre a grondé, zébrant le ciel d’éclairs lumineux, avec des répercussions qui ont ébranlé tout le village. C’est après cette détonation de dame nature qu’il a été constaté sous une fine pluie, le corps inanimé de Mougni Zounnon, qui venait d’être mortellement frappée par la foudre.

    La mère de la victime, venue sur les lieux s’enquérir de la situation a piqué subitement une crise et en est morte aussi, a-t-on constaté. Les parents de la victime se sont attaqués à leur gendre, le mari de dame Zounnon, l’accusant de sorcellerie. Sa maison a été saccagée et une bonne partie de ses effets jetés dans un puits.

    ABP/MM/IA/TB
    http://www.24haubenin.info/?La-foudre-tue-une-dame-a-Bossa

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