Lettre à Pancrace sur Pourquoi Tout le Monde se tait en cette Saison d’Anomie

writting1 Prenant motif du triste palmarès de M. Yayi et de l’ambiance délétère qui règne dans le pays sous son régime – caractérisé par l’arbitraire,  la mal-gouvernance, la violation permanente de la Constitution, le mépris de la loi et de ses représentants, la corruption et l’impunité sélective – tu me demandes dans ta dernière lettre : “Pourquoi lorsqu’un dirigeant enlise le pays à ce point dans les bas-fonds de la misère et du dérèglement moral, la plupart des Ministres, directeurs de Société et d’Institutions, et autres hauts cadres ne signifient-ils pas le danger de ces dérives pour la nation qu’ils sont censés aimer et servir ? Car, ajoutes-tu à juste titre, un homme peut se tromper, mais comme le disent les Fon/Goun, tout un peuple ne devient pas fou à l’unisson.


Eh bien mon cher Pancrace,  ta question paraît simple ! Et à moins qu’elle soit en quelque manière rhétorique, –ce qu’elle est je crois au meilleur sens du terme¹ – tout observateur des mœurs politiques tropicales doit en deviner quelques éléments de réponse. Voyons, cher ami, tous ces Ministres, cadres, et hauts cadres de la nation censés tirer sur la sonnette d’alarme reçoivent leurs prébendes, salaires, avantages, privilèges et jouissance du Chef. Ils ont de ce fait une parcelle de pouvoir –pouvoir qui dans nos mœurs politiques tropicales, est synonyme de pouvoir de jouissance. Et ce pouvoir auquel ils ont accédé à la sueur de leur front, à force de rudes empoignades de tartufferies et de flagorneries insignes, ils ne veulent pour rien au monde le perdre. Comment abandonner ces émoluments mirifiques, les rentes de situation, les voitures climatisées et chauffeur, les garde-corps, les logements de fonction, le pouvoir sur les courtisans, les hommes et surtout les femmes que confère la parcelle de pouvoir de jouissance qui leur échoit par le fait du Prince des jouisseurs ? Réfléchis un peu, mon cher ami, toutes ces opportunités de jouir, de corrompre et de s’enrichir personnellement pendant que le peuple est dans la misère, peuvent-ils l’abandonner au nom d’une probité salvatrice hypothétique ?

Vois-tu, mon Cher Pancrace,  la probité, en l’occurrence, est éthique en ce qu’elle est sociale. Pour qu’elle soit agissante, il faut qu’elle soit collective. Or comment peut-on assurer la probité du plus grand nombre lorsque les membres de la classe des jouisseurs, qui se partagent les fruits du pouvoir, et qui ont accédé à la cime de l’arbre uniquement dans ce but, sont cernés de concurrents ou d’aspirants qui ne demandent qu’à prendre leur place ? Dans ce contexte porté au chacun pour soi, et à l’option de jouissance sans états d’âme et sans autre fin que la jouissance, qui quitterait la table du banquet ? Qui quitterait la proie pour l’ombre ? Qui oserait signifier au Chef ses erreurs et ses dérives ?

Hélas, c’est en ces termes terre à terre que se pose la question de la probité. Et cela éclaire sur les raisons pour lesquelles aux erreurs du Chef, répond au mieux le silence de ses obligés, au pire un concert de louanges ubuesques

Rien de nouveau sous le ciel bas de notre race,  l’ami. Rien qu’une récurrente manifestation de nos mœurs politiques ; le seul changement est que ce que les gens appellent pince sans rire “Changement” depuis 2006 a ceci de particulier qu’il les a exaspérées à la limite de la caricature.

Pour finir sur une note d’espoir, nous ne pouvons souhaiter qu’une prise de conscience collective sur les conditions de possibilité du changement, au nombre desquelles se trouve cette fameuse probité collective qui répond à ta question. Ce travail de réflexion a été fort bien commencé par l’Opposition unie sous la bannière de l’UN. C’est dans cette voie que se trouve à mon sens la reprise en main des idéaux éthiques et pratiques du Renouveau pour une probité collective.

Et pour ce qui est de la probité individuelle, cher ami, est-il besoin de dire  que par le souci constant de vérité qui t’anime et se révèle dans tes questions,  tu as déjà pris un longueur d’avance sur la bonne voie ; celle du cœur et de l’amitié sur laquelle, je m’efforce tant bien que mal de t’emboiter le pas…

Amitié

Binason Avèkes

¹ Une Interrogation rhétorique est une interrogation qui ne nécessite pas de réponse

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