Idéogramme 94 : Yayi Boni, un Président Africain Normal

Mon Idéo Va, Court, Vole et Tombe sur…

Question Simple

Ideog1 En ce temps où le fracas des armes met le Moyen-Orient à feu et à sang, on se remémore aisément la phrase de David Ben Gourion disant : « Le jour où Israël aura ses délinquants, ses prostituées et ses opposants, il sera un Etat normal ! » Vue de l’extérieur, cette célèbre phrase du premier Premier Ministre de l’Etat hébreux ne décrit pas la situation actuelle d’Israël. Son intention est plus philosophique que politique ; elle pose le problème de la normalité. Emile Durkheim –, d’origine israélite, lui aussi – ne disait-il pas que le crime est un phénomène normal ? En effet, comme l’explique le sociologue français dans un article resté célèbre, le crime est normal parce qu'une société qui en serait exempte est tout à fait impossible.


Bien que le la normalité soit d’essence philosophique, le besoin de normalité hante souvent les hommes politiques, et pas seulement les israélites. Tenez Yayi Boni, n’est pas juif, hein ? Evangéliste, peut-être mais pas falasha … Et pourtant, notre Ben Gourion du Changement,  –  un changement qui ne change rien – est lui aussi obsédé de normalité. La chose est d’entrée paradoxale ; parce que, élu d’une manière inattendue et avec un score espéré, on l’a vu d’abord étrenner la joie de son succès avec une aura de spécificité, la fierté du génie-du-tout nouveau-tout beau-qui-est-pas-comme-les-autres : c’est-à-dire qui n’est pas normal. Mais déjà, à l’échelle du Bénin, quand on creuse un peu, l’homme qui sans être médecin ne rougit pas de se faire appeler Docteur, a été précédé dans sa fonction formellement ou réellement par des docteurs, de vrais, c’est-à-dire des médecins qui ne portaient pas le titre par complexe ou pour de l’esbroufe : (Ahomadégbé, dentiste ; Basile Adjou Moumouni, médecin,) Certes, parfois, il arriva que pour d’aucun la désignation fût sujette à caution, mais chut….. C’est un secret ! En tout cas l’existence de cette petite lignée de précurseurs prouve bien que la chose n’est pas nouvelle. Ce qui met à mal la spécificité dont pourrait se prévaloir en ce domaine Monsieur Yayi Boni. D’ailleurs le changement lui-même n’est pas nouveau dans l’histoire du pays. La Révolution est un changement. Sous le général Soglo déjà on parlait de Révolution. Après, ça a été la pure et dure, celle du 26 octobre 1972 avec Kérékou … Tous ces changements avant l’heure tendraient à mettre un bémol à l’originalité supposée de l’actuel changement, à le normaliser. Donc, à l’échelle du Bénin, bon gré, mal gré, Yayi Boni est normal.

Mais cette normalité est une normalité de fait, une normalité subie. Au fil du temps, ayant goutté au vin de la politique, emporté par son ivresse, le nouvel homme revendique le droit à la normalité. La spécificité perd son charme. Yayi Boni endosse avec alacrité le costume du président africain normal. Et il entend assumer cette normalité jusques et y compris dans ses travers et ses clichés. En tant que tel, Yayi Boni s’est arrangé pour avoir ses corrompus ; il a démontré ses talents dans l’abus de pouvoir, comme le fait tout bon président africain ; il a tiré son pays vers le bas dans les baromètres classiques des libertés, comme le font nombre de ses pairs ; comme eux, il devient adepte du culte de la personnalité, se laisse bercer par une noria de griots stipendiés, marcheurs et braillards de tout poil ; il monopolise les médias 7 jours sur 7 à la gloire de son œuvre hautement imaginaire de Docteur-Messie ; comme eux, il a horreur de la contradiction, et s’est même payé le luxe sans une raison sérieuse d’avoir son prisonnier politique ! (Andoche Amègnissè !) Comme eux, et au mépris des règles de la démocratie, il a son Parti-Etat, qui vit sans vergogne ni scrupule sur le dos de l’Etat… Comme eux, il procède méthodiquement à des achats de conscience et débauche sans états d’âme parmi ses adversaires. En président africain normal, Yayi Boni a instrumentalisé toutes les institutions de la Démocratie : de la plus profane à la plus sacrée !

Mais en fin de compte cette normalité africaine de Yayi Boni a beau faire des ravages, elle ne laisse pas de susciter question  : un Président africain normal peut-il apporter le changement en Afrique ? Normalement, rien n’est moins sûr…

Eloi Goutchili

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