Archive2Press 1. Le Journaliste et les Perdiems

Publié en fevrier 2001

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Presse3 Le journaliste et les Perdiems  ou la Poule et le Maïs !  
Le marxisme léninisme rendant l’âme dans un soupir plein de dignité, vive la République ! Vive la liberté d’expression ! Vive la presse ! Cette quatrième poutre dont l’absence serait dégringolant pour toute démocratie. Ici on l’a vite compris. Et la faim de gouverner d’une bande d’exilés mutés en messies par dix sept années de paupérisation rencontra le souci de plus d’un d’en finir avec le chômage. Cela donna un déferlement de canards dans les kiosques des grandes villes. Tout le monde se découvrit ex abrupto des talents de journaliste. Tout le monde semblait avoir quelque chose à dire. Et c’était vraiment une presse écrite bien animée dont les acteurs toujours aux aguets faisaient la fierté des populations. 


Mais aujourd’hui, force est de constater que très peu, en matière de journalisme, ont le souci de la responsabilité sociale qui demande à ne publier que les informations dont l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies. Peu ont le respect de leur propre intégrité professionnelle. On écrit bien souvent pour faire plaisir à tel ou tel homme avec, en non dit, l’espoir d’une générosité pécuniaire. Parfois les lapidations intrépides de certains hommes politiques sont des signaux de détresse, un leurre qui ne trompe que les amblyopes. Et pourtant l’article 5 du code de d’ontologie de la presse béninoise dit clairement qu’en dehors de la rémunération qui lui est due par son employeur dans le cadre de ses services professionnels, le journaliste doit refuser de toucher de l’argent ou tout avantage en nature des mains des bénéficiaires ou des personnes concernés par ses services quelle qu’en soit la valeur et pour quelque cause que ce soit. Mais  nous autres journalistes n’ayant que cure de cet article, préférons renvoyer à nos lecteurs, l’image d’une presse de compte rendu de séminaires, de rencontres politiques et autres cérémonies croustillantes qui garantissent un week-end heureux. L’investigation, l’analyse objective, l’éclairage réel de la lanterne du peuple sur le choix de ses gouvernements, de toutes ces choses, il n’y a pas beaucoup qui s’en préoccupent. Pis encore, le chantage est devenu la règle et le devoir d’informer l’exception. Il existe certes une certaine presse écrite qui semble être dans le secret des actes gouvernementaux. Et quand elle prophétise par exemple trois ministres d’Etat pour le prochain gouvernement, c’est qu’il en aura effectivement trois. Mais de façon générale la presse écrite béninoise étincelle par ses titrailles ronflantes pérennisées  par l’indulgence et le compromis social.
    L’Etat croyait pouvoir résoudre le problème de défaut de professionnalisme de la presse écrite avec des aides publiques. Hélas l’expérience jusqu’à ce jour — nuance faite par rapport à une certaine association de journalistes — montre que c’est de l’argent  jeté par les fenêtres. Pour avoir participé à un de ces séminaires j’ai eu le ventre retourné devant des comportements irrespectueux et indélicats. Seul l’argent intéressait tous les participants. La pratique consiste, m’avait-on- dit, à venir tôt le matin s’inscrire et repasser le soir ou à la fin du séminaire selon l’organisation pour récupérer les sous. Et j’ai eu la surprise de voir un journaliste éminent d’une grande chaîne de télévision privée se pointer alors même qu’il n’était pas invité. Parfois pour une seule invitation trois journalistes répondent à l’appel. Les perdiems sont devenus pour nous journalistes, ce que le maïs représente pour la poule affamée. La seule différence est que nous, nous pondons des papiers qui éclosent le mépris à la presse. Pardon pour la métaphore injurieuse, mais c’est le lieu de le dire.
Dans le fond, tout cela est lié à la faible rémunération salariale qui caractérise les entreprises de presse. Le journaliste béninois est en effet très mal payé. Rares sont ceux qui approchent les deux dollars par jour, à moins d’être rédacteur en chef ou professionnalisé par l’ancienneté dans le métier. A ce sujet, le projet de convention collective applicable au personnel de la presse en République du Bénin pèche par l’absence de fixation d’un seuil de salaire en fonction des catégories. Cela aurait pu être une innovation salutaire pour notre démocratie, car il n’y point de démocratie sans information libre et il n’y aura jamais d’information libre au Bénin tant que les primes de déplacement pour les reportages ne seront pas payées par l’employeur. De toutes les manières, le clientélisme politique a cessé de faire du métier un sacerdoce. Certains me diront : Bon et alors ? Le monde évolue ! 

Julien Godfroy AHOUANSE ( extrait des archives de l'@raignée)

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