
Je suis né à Porto-Novo, il y a plus d’une demi-siècle. Par la force des choses, j’ai passé plus de temps à l’extérieur de Porto-Novo que je n’ai passé dans cette ville. De par mon nom de famille, j’ai mes entrées naturelles dans les trois grandes villes ou royaumes historiques du Sud du Bénin : Porto-Novo, Allada et Abomey. Et ces entrées sont réelles puisque, je me sens aussi bien chez moi à Allada pays natal de mon père, imprégnée d’histoire et de religion, qu’à Abomey, où nous avons des liens familiaux et historiques qu’à Porto-Novo où j’ai grandi jusqu’à 20 ans. Comme l’a si bien dit Me Adrien Houngbédji, un fils du terroir considérable, Porto-novo, la ville aux trois noms, est une ville de tolérance, d’accueil, où ont appris à vivre ensemble des gens venus d’horizons différents. On y sent aussi bien l’influence vivante des Yoruba, comme des Gouns, mais aussi les Wémènou, les Toffinou, Adjas , etc. Il n’y a pas beaucoup de villes comme ça au Bénin qui accueillent ce haut degré de diversité bien acclimatée sans poser de problème..
Cette diversité de Porto-novo, dont ses habitants ne sont pas toujours conscients tant elle est pour eux une seconde nature, fait partie de l’âme de son peuple. À mon avis, elle préfigure l’Unité Nationale qui ces derniers temps nous fait cruellement défaut. Personnellement, je suis peiné par cette tension qui règne et fait le lit de la désunion nationale alors que tous les Béninois ont leur place dans un pays de paix.
Comment en effet au siècle où tout le monde fonctionne sur le mode du village planétaire, des gens comme des Fons, des Gouns, des Adja, des Yoruba continueront de se livrer à des rivalités d’un autre âge ? Je suis sensible à l’unité méthodique régionale condition nécessaire de l’unité nationale parce qu’elle me parle de multiple façons. Mon père est d’Allada et d’Abomey, ma Mère est du Mono, je suis né et j’ai grandi à Porto-Novo, ma Grand-mère est de Kétou, etc… Donc pour moi, cette Unité aussi partielle soit-elle, et qui est appelée à s’élargir au-delà de ses limites inaugurales, est très parlante. Elle parle à mon cœur. Comme Porto-Novo, dont je ressens les intonations, le souffle, le rythme, l’âme…
Je me propose d’aller à la recherche de l’âme de ce peuple de Porto-Novo et au-delà de Wémè qui n’a pas toujours été compris, encore moins pris pour ce qu’il valait, pour ce qu’il était, pour ce qu’il pouvait donner. Cette recherche peut se faire dans de multiples voies. Mais l’art et la musique me paraissent une voie toute tracée pour sentir l’âme d’un peuple. N’avez-vous jamais tressailli d’émotion lorsque vous entendez les rythmes ou lorsque vous voyez l’exécution des danses qui ont bercé votre enfance ? Il y a quelque chose qui vous prend aux tripes, lié au temps jadis quelque chose de plus fort que vous et qui fait couler des larmes. De joie ou de Nostalgie ? Allez savoir ! Sans doute les deux à la fois.
L’autre raison pour laquelle je privilégie la voie/voix de la musique, c’est que j’ai toujours pris l’artiste, le chanteur, celui qu’on appelle le hancinon pour un mélange de prophète, de muse, de démiurge, de directeur spirituel, celui par la seule voix de qui, par les seuls rythmes qu’il crée, l’essentiel de ce que vous êtes vous est transmis, pour vous et pour la postérité. C’est un homme qui est en prise sur le passé, le présent et l’avenir, c’est le vrai homme du peuple. Il ne vole pas le peuple mais l’enrichit, le soutient, le guide, le rassure, lui donne la joie, et la voix, le console, etc. Par opposition à l’homme politique qui vole le peuple tout le temps, qui le déçoit et le trahit, on a le sentiment que le hancinon fait son devoir. C’est pour cela que par sa voie/voie, j’essaierai d’aller à la recherche de l’âme de Porto-novo, qui m’est très cher au cœur !
Blaise Aplogan

Bravo et merci, cher Blaise!🥰👍
Il n’y a pas de quoi, Cher Roch ! Tout le plaisir est pour moi,…